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Crise politique en Ukraine : entre tensions persistantes et risque d’escalade militaire.

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USA Today Photo: Olga Ivashchenko AP) April 23, 2014.

 

Crise politique en Ukraine : entre tensions persistantes et risque d’escalade militaire.

Par Jean-Baptiste Hubert,  Master I Relations Internationales de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques(IRIS) :

Depuis  novembre 2013 et la non ratification de l’accord d’association à l’Union Européenne par le président en exil, Viktor Ianoukovitch, la situation politique de l’Ukraine s’est considérablement dégradée. En effet, les manifestations de la place Maïdan,  qui se voulaient être pacifistes, ont  tourné à l’émeute, à partir du 17 janvier, avec l’implication de plus en plus marquée des trois partis nationalistes ukrainiens, dont certains membres sont à l’origine de la prise d’assaut du Parlement le 18 février 2014 et du refus de l’opposition démocratique d’appliquer  l’accord du 21 février 2014 qu’elle avait pourtant signé,    à savoir :

-  l’Assemblée nationale ukrainienne-Autodéfense ukrainienne(UNA-UNSO) qui est le plus important parti de l’extrême-droite ukrainienne, connu pour avoir été un soutien de Viktor Iouchtchenko;

 - l’Union Panukrainienne « Svoboda»(Liberté) qui possède  38 sièges de députés  à la Vekhovna Rada Oukraïny(le parlement monocaméral ukrainien) connu pour ses actions faisant l’apologie du passé collaborationniste  d’une partie du peuple ukrainien avec l’occupant nazi durant la Seconde Guerre Mondiale ;

-  Pravy Sektor( Secteur de droite) qui  s’est fait connaître durant les manifestations  de la place Maïdan.

L’accord précédemment cité prévoyait  une élection anticipée du chef de l'Etat, la formation d'un gouvernement d'unité nationale et une réforme constitutionnelle élargissant les pouvoirs du premier ministre, au détriment de ceux du président([1]). Or, le parlement nouvellement installé, a voté une loi transférant les pouvoirs du chef de l’état au président de la Rada, Mr Alexandre Tourtchinov([2]). Parallèlement, en Crimée, l’élection du  nouveau dirigeant prorusse, Sergueï Aksionov([3]),  ainsi que l’action de groupes armés présumés russes ont considérablement tendu la situation et font craindre un risque de sécession de la part de la Crimée. Explications sur une situation qui perdure et qui font de l’Ukraine l’un des pays d’Europe orientale les plus instables.

Quelles sont les origines de la crise actuelle en Ukraine ?

Une crise identitaire, politique et économique mal gérée : 

La crise politique qui secoue actuellement l’Ukraine a pour origine la période soviétique. La partition de plus en plus prégnante entre l’Ouest de l’Ukraine (les régions autour de Lviv/Lvov et de Kyiv/Kiev) europhile, ukraïnophone et l’Est de l’Ukraine( les régions autour Kharkiv/Kharkov et Donetsk) russophile et russophone est une des conséquences de trois périodes marquantes de l’histoire contemporaine:

- la guerre civile russe pendant laquelle l’Ukraine connaît une période insurrectionnelle particulièrement grave, où l’on peut distinguer trois phases :

+la révolution nationale qui débute le 17 mars 1917, lorsque des intellectuels  et des membres des partis sociaux-démocrates ukrainiens constituent  la Rada ukrainienne (Conseil National), présidée par l’historien Hrouchevskyi(1886-1934). Quelques semaines plus tard elle sera reconnue comme Assemblée Nationale et autorité suprême, suite à la réunion d’un Congrès national de 900 mandataires le 21 avril 1917([4]). Sous l’influence des ouvriers  du Parti social révolutionnaire ukrainien,  elle se radicalise et proclame l’autonomie de l’Ukraine le 10 juin 1917, se déclarant  en faveur de la démocratie et des droits des minorités. Le gouvernement provisoire de Petrograd reconnaît alors l’autonomie administrative de l’Ukraine et de la Rada le 3 juillet. Le 7 novembre 1917, la Rada proclame la République ukrainienne du peuple, alors que les Bolcheviques cherchent à prendre le pouvoir en Ukraine. Ces derniers dénoncent la Rada comme « ennemie du peuple » et s’établissent à Kharkov,  d’où ils proclament une république soviétique ukrainienne le 4 janvier 1918.

A partir de 1918, la Rada perd le contrôle du pays, à cause des conséquences immédiates de la guerre civile russe, qui permet aux  bolchéviques de s’emparer de la majeure partie de l’Ukraine et de se rendre maîtres de Kiev le 9 février 1918, en dépit de la résistance de Simon Petlioura(1879-1926). Parallèlement, les revendications paysannes pour  la collectivisation des terres s’exacerbent, se soldant par l’expropriation des grands propriétaires terriens et l’organisation de communes agraires par le mouvement anarchiste de Nestor Makhno(1889-1934) qui gagne en influence, particulièrement entre novembre 1918 et juin 1919 sur la rive gauche du Dniepr essentiellement. Il y contrôle une région groupant deux millions de personnes, le mouvement représentant un projet révolutionnaire autonome qui combattra tant les bolcheviques que les autonomistes;([5]) Le même mois, l’Ukraine accepta le traité de paix de Brest-Litovsk qui la plaçait sous dépendance allemande. A la demande de la Rada, les troupes allemandes et autrichiennes entrent en Ukraine, chassent les bolcheviques  et rétablissent l’Assemblée, le 3 mars 1918. Mais, devant l’incapacité du parlement , les troupes allemandes destituent la Rada  et mettent en place un Etat monarchique sous protectorat qui dure à peine un an. Simon Petlioura rétablit provisoirement la République ukrainienne, tandis qu’en novembre 1918, une République d’Ukraine occidentale est créée à Lvov par les troupes autrichiennes. Elle sera réunie à celle de Kiev, en janvier 1919, alors que le pays s’enfonce davantage dans la guerre. Six armées différentes s’affrontent en Ukraine: les Polonais, l’Armée rouge, les armées  blanches de Dénikine, les soulèvements cosaques et les armées paysannes de Nestor Makhno. Kiev sera prise et reprise 16 fois, jusqu’en 1920, où les rouges finissent par prendre le dessus  en écrasant Dénikine. Ils reprennent Kiev en juin et se retournent contre Makhno. En 1921, l’Ukraine est divisée entre les Polonais et les Soviétiques,  par le Traité de Riga qui donne la Galicie et 7 millions d’Ukrainiens à la Pologne. La Roumanie garde la Bessarabie du Sud et la Bukovine du Nord (actuelle Transnistrie et Moldavie).([6])

- la période de l’Union Soviétique (1921-1941 1945-1991) en Ukraine commence par  les années du communisme de guerre. Aux nationalisations  des grandes propriétés, aux confiscations des récoltes dont ont cruellement besoin les bolcheviques et aux rationnements alimentaires s’ajoutent une désorganisation de l’administration, la famine, le chômage et l’hyperinflation.

Sur le plan politique, l’Ukraine réintègre progressivement la Russie entre 1918 et 1923, avec la suppression des régiments rouges ukrainiens qui intègrent l’armée rouge en 1919. La signature d’un accord d’union militaire et économique avec  la Russie, le 28 décembre 1920, place les domaines importants du pays (armée, affaires économiques, transports et communications) sous l’autorité du gouvernement soviétique. En 1921, les Soviétiques , avec une armée et une police reconstituée par Trotski et Dzerjinski, ordonnent une vague de  répression sur l’Ukraine, avec une suite sans fin de procès politiques, d’exécutions sommaires d’opposants et de patriotes, ou supposés tels, y compris à l’étranger (Semion Petlioura sera assassiné à Paris en 1926)([7]). Au cours des années 1920, la collectivisation des terres d’Ukraine constitue un enjeu particulier à cause du rôle de l’agriculture ukrainienne dans l’approvisionnement de l’Union Soviétique. Elle s’accompagne, dans un premier temps, d’un mouvement « d’ukrainisation » et d’autonomie culturelle dans le cadre de la NEP              ( Nouvelle politique économique décidée en 1922 par Lénine), afin d’enraciner le communisme et de réduire l’hostilité de la paysannerie vis-à-vis du communisme. Dans un second temps, Moscou procède à la centralisation de l’économie à partir de 1927 puis mise sous tutelle et répression à partir de 1930([8]).Cette collectivisation, d’une extrême brutalité, conduit à la ruine de l’agriculture ukrainienne (abattage du cheptel, chute d’un quart de la production céréalière en 1932) et provoquera la grande famine de 1933, connue sous le nom d’Holodomor. Elle entraîna la mort de près de 6 millions de personnes et conduisit à un repeuplement russe. De nos jours, cette tragédie est encore largement méconnue  et  marque durablement la conscience nationale ukrainienne. Les autorités du pays cherchent à la faire reconnaître comme génocide([9]).  Suite à cette famine, le régime stalinien déclenche, plus tôt qu’ailleurs, les purges afin de vaincre définitivement toute forme d’opposition. Elles élimineront tous les cadres politiques de l’Ukraine d’avant 1920. Citons comme exemple, le grand procès d’avril 1930 qui eut lieu à Kharkov contre 13 « nationalistes bourgeois » présumés ([10]). L’industrialisation de l’Ukraine se poursuit et donne naissance à plus de 400 usines, principalement des usines métallurgiques et chimiques, dans le bassin du Donetsk et de Krivoï-Rog.

En Ukraine comme à l’étranger, le mouvement nationaliste ukrainien s’organise et se structure. Dès 1921, l’Organisation militaire ukrainienne (UVO) créée par le colonel Yevhen Konovalets, qui participa aux combats contre l’Armée Rouge aux côtés de Petlioura,se fait connaître par des actions violentes contre les autorités polonaises et soviétiques. Après 1923, une partie du cercle dirigeant de ce mouvement est obligée de s’exiler. Konovalets crée  un mouvement politique, l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OuN)  qui, dès le début , est marqué par un nationalisme de droite, rencontrant un certain succès parmi la jeunesse. Dans les années 1930, elle poursuit l’action violente  sous l’autorité de Stepan Bandera, aux côtés de l’UVO. Il jouera un rôle des plus controversés durant la Seconde Guerre Mondiale.([11])

-La Seconde Guerre Mondiale(1941-1945) occupe une place particulière dans la conscience nationale ukrainienne, car elle est considérée comme une période douloureuse et traumatisante. En effet, la Wehrmacht entre en Ukraine le 28 juin 1941 et repousse la 5ème armée soviétique  de Kiev le 19 septembre 1941. Dès lors, l’armée allemande procède à l’occupation du pays, afin d’exploiter le potentiel agricole de l’Ukraine pour ravitailler le Reich. En mars 1941, des directives tombent et prévoient l’élimination « sans ménagement »  des juifs et des responsables communistes des territoires conquis. Ainsi, dans le sillage de l’armée allemande, les escadrons SS « Einsatzgruppen »  font s’abattre sur l’Ukraine « la Shoah par balles » qui se solde, en 1941, par le massacre de Babi Yar,  où 33 771 juifs seront tués  ou enterrés à demi vivants. Ils poursuivent  leur sinistre besogne  qui est à l’origine de 8 millions de morts et la déportation de 2millions de travailleurs forcés. A partir de 1941-1942, la résistance s’organise et un mouvement de partisans de toutes tendances,  voit le jour  tandis que le mouvement nationaliste se divise en deux : OuN M de Melnyk retourne dans la clandestinité et crée en 1943, l’Armée Insurrectionnelle Ukrainienne, l’UPA, tandis que l’ OuN B de Bandera se rapproche de l’occupant nazi contre le pouvoir soviétique. Ses effectifs forment les bataillons Nachtigall et Rolland de la Légion Ukrainienne qui deviennent, au printemps 1943, la 13ème division de grenadiers SS Galicie. L’UPA poursuivra son combat contre les nazis, les forces communistes russes et polonaises jusqu’en 1950 où le général  Roman Choukhevytch trouva la mort dans une embuscade près de Lviv. La reconquête de l’Ukraine par l’Armée rouge s’effectue en 1943 et 1944. A partir de juillet 1944, l’Armée Rouge affronte les résistants de l’UPA qui sont réprimés par le NKVD  agissant avec une brutalité sans bornes, recollectivisant  et resoviétisant l’Ukraine occidentale. En mai 1944, Staline procède à la déportation des Tatars de Crimée.([12])Cette période  est encore un sujet de tensions en Ukraine, à cause de la politique de mémoire de l’Union Soviétique qui a occulté  la collaboration de Soviétiques avec les Nazis. Ceci alimente, depuis l’indépendance de l’Ukraine, un nationalisme antirusse virulent et favorise la récupération politique de cette période par certains responsables politiques ukrainiens, comme le montre la tentative infructueuse de Viktor Iouchtchenko de faire attribuer le titre de Héros de l’Ukraine  à Stepan Bandera  à des fins électorales([13]) ou encore la commémoration des 70 ans de la création de la division SS Galicie par le parti Svoboda([14]).

 Durant l’après-guerre, l’Ukraine est à reconstruire. Au sein  de l’Union soviétique, elle acquiert  la Galicie, une partie de la Bessarabie et de la Bukovine. En 1954, elle acquiert la Crimée après que Khrouchtchev lui ait donnée en « cadeau », pour marquer  le 300ème anniversaire du traité de Pereislav qui, dans l’esprit des dirigeants soviétiques et russes, marque  la solidarité des peuples slaves et la filiation de la Russie avec l’ancienne Rous de Kiev. Dans les années 60 à 80, l’Ukraine devient l’une des régions soviétiques les plus productives  par son agriculture, son industrie, ses centres de recherches militaires( le missile SS 18 Satan fut conçu par un centre de recherche ukrainien ). Au cours des années 70 et de « la stagnation brejnevienne », le PCUS y est de plus en plus contesté,  notamment par L .Pliouchtch, le général Grigorienko(défenseur des droits du peuple tatar), M.Dziouba et V.Tchornovil qui sont envoyés dans les camps ou en asiles psychiatriques. Ces quatre personnalités seront à l’origine du premier mouvement d’opposition ukrainien , le « Groupe de soutien à l’application des accords d’Helsinki » en novembre 1976.Il participera à la création de « l’Union ukrainienne pour  les accords d’Helsinki »  et à la création du mouvement populaire pour  la perestroïka « Roukh » qui  remportera les élections de mars 1990. Cependant,il doit faire face aux communistes qui font tout pour provoquer un blocage politique. Parallèlement, la catastrophe de Tchernobyl a suscité l’indignation populaire et a mise au jour l’incompétence du régime, tout en révélant le double discours de la propagande soviétique, vantant la qualité des réalisations techniques et le souci de l’homme auquel tenait le régime.([15])

-la période post soviétique de l’Ukraine et l’indépendance (1991-2014) est particulièrement importante pour comprendre la crise actuelle. Elle débute le 16 juillet 1990, avec l’adoption de la déclaration de souveraineté de l’Ukraine  par le parlement ukrainien. Il vote le 24 août 1991, la déclaration d’indépendance tandis que, le même jour, Leonid Kravtchouk est élu  1er président de l’Ukraine indépendante. Le 8 décembre 1991, le traité de Minsk consacre la dissolution de l’Union Soviétique et l’Ukraine adhère à la Communauté des Etats Indépendants. Suite à cet accord, l’Ukraine force la Russie à un certain nombre de concessions politiques notamment, le partage de la flotte soviétique de la Mer Noire, le 28 mai 1997. Cette flotte est répartie en deux nouvelles entités, une flotte russe de la Mer Noire qui concentre 83% des navires de l’ancienne flotte soviétique(330 navires), tandis que les 17% restants, soit 80 navires, constituent la nouvelle flotte ukrainienne. De plus, cet accord consacrait la location de la base navale de Sébastopol par l’Ukraine à la Russie([16])qui perdurera jusqu’en 2042. La question du  nucléaire stratégique se règle par la signature du traité NPT par le parlement ukrainien, le 16 décembre 1994.Il prévoit la dénucléarisation de l’Ukraine, les têtes nucléaires étant  transférées en Russie pour y être détruites. L’ère Kravtchouk  est cependant marquée par les faillites économiques et la corruption ([17]).En 1994, le président Léonid Kouchma  le remplace, avec 52% des voix  lors des élections présidentielles. Se voulant être un réformateur décidé à ancrer l’Ukraine en Occident, il rencontre un certain succès dans ses réformes.Toutefois, à partir de 1996, cette volonté réformiste s’amoindrit du fait d’un blocage politique puisque les communistes sont majoritaires au parlement, sans oublier une corruption galopante qui a nui à sa popularité([18]). Néanmoins, il se fait réélire par des procédés douteux, qui suscitent  des manifestations violentes début 2001.Cela inaugure une ère de corruption flagrante  des membres de l’appareil politique ukrainien. Elle se poursuit après la Révolution Orange, parvenue au pouvoir en 2004 grâce  à des soutiens du Département D’Etat américain et de la fondation Soros au mouvement Otpor (mouvement serbe d’opposition à Milosevic) qui a structuré la Révolution Orange ([19]). En 2010,  Viktor Ianoukovitch fut réélu dans des conditions douteuses à cause du bourrage des urnes et des résultats «soviétiques »  de son parti. Madame Timochenko, premier ministre en 2010, est également soupçonnée de corruption et d’abus de pouvoir, dans le cadre de contrats passés avec Gazprom durant la présidence Iouchtchenko alors qu’elle était Ministre de l’Energie. Elle a été   incarcérée  de 2011 à février 2014 et elle annonce, quelques temps après, son intention de se représenter au poste de premier ministre ([20]).

L’Ukraine, un  pivot géopolitique et un enjeu vital pour la sécurité en Europe.

Comme le confirme M.Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller à la Sécurité Nationale de Jimmy Carter, dans son ouvrage le Grand Echiquier en 1997 aux pages 126-127, il souligne les points suivants :

-«  la perte du pivot géopolitique ukrainien réduit les choix géopolitiques de la Russie » ;

- « sans l’Ukraine et ses 52 millions de frères slaves, toute tentative de restauration impériale commandée par Moscou est vouée à rencontrer la résistance prolongée de populations devenues très sourcilleuses sur la question de leur identité nationale et religieuse »([21]).

La crise ukrainienne actuelle ne saurait mieux illustré ce propos. De par sa situation géographique, l’Ukraine donne à la Russie une justification quant à son identité européenne et lui donne son statut de puissance eurasiatique. En effet,  l’Ukraine constitue le principal débouché pour le pétrole et le gaz russe par le réseau de pipelines Droujba(Amitié). De plus, la Russie est un des principaux clients des chantiers navals et des bureaux aéronautiques ukrainiens. Quant aux Américains, le départ de Ianoukovitch permet de renouer avec la stratégie du roll back ou refoulement, en s’appuyant sur des mouvements séparatistes, voire nationalistes, comme ils ont pu le faire durant les crises yougoslaves  notamment en Croatie. Ils y ont appuyé les nationalistes croates entre 1990 et 1995, notamment durant l’opération Oluja en août 1995, par le biais de la société militaire privée MPRI([22]) ou encore au Kosovo, où ils ont  été l’un des principaux soutiens de l’UçK, disposant depuis 1999, d’une base militaire majeure en Europe, le camp Bondsteel([23]).   

La crise ukrainienne et la question de la Crimée: vers un scénario yougoslave ???

La question de la Crimée est particulièrement épineuse dans les relations russo-ukrainiennes, car  la présence de la flotte russe de la mer Noire,  donne à la Russie des moyens de pression. Elle constitue un enjeu stratégique majeur, car la base navale de Sébastopol est l’un des seuls points libres de glace toute l’année, lui permettant d’avoir accès aux mers chaudes et de pouvoir intervenir sur « l’arc de crise »([24]) . Au vu des derniers évènements, dans leurs déroulements et dans les forces mises en jeu, on peut faire un parallèle intéressant avec  la situation de la Croatie des années 1990 qui vit l’arrivée au pouvoir de Franjo Tudjman , ex général croate de l’armée yougoslave, grâce au soutien de mouvements nationalistes croates, tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, notamment les exilés croates au Canada et aux Etats-Unis([25]).Toutefois, ce parallèle s’arrête là, car la situation actuelle est bien différente, notamment par la réaffirmation de la puissance russe qui ne lâchera pas les russophones de Crimée, d’autant plus que le référendum sur le statut de la Crimée a été avancé au 16 mars 2014. Il sera assurément  à surveiller et constituera un pic de tension. Néanmoins, la solution diplomatique semble être privilégiée, comme le montre le retour des forces russes dans leur caserne et l’acceptation de la mise en place d’un groupe de contact et le déploiement d’observateurs de l’OSCE, par Vladimir Poutine([26]). Néanmoins, les tensions persistantes dans l’Est de l’Ukraine, notamment dans la région de Donetsk, où une partie des forces armées ukrainiennes se sont déployées entre le 13 et 16 avril 2014 pour une opération antiterroriste([27]), risquent de faire basculer l’Ukraine dans une guerre civile.  Gageons cependant que les solutions diplomatiques prendront le pas sur les solutions militaires qui se solderaient  par une guerre civile désastreuse pour l’ensemble du peuple ukrainien.



[1] http://fr.ria.ru/world/20140227/200605831.html Ukraine: Moscou appelle l'Occident à prendre conscience de sa responsabilité-RIA Novosti

[2] Ibid.

[3] http://fr.ria.ru/world/20140301/200617167.html Crimée: le référendum sur le statut de la république rapproché au 30 mars-RIA Novosti.

[4] Olivier de Laroussilhe, l’Ukraine, Collection Que sais je, Editions Presses Universitaires de France,Paris,2002.

[5] ibid

[6] ibid

[7] ibid

[8] ibid

[9] http://fr.ria.ru/ex_urss/20101127/187977809.html L'Ukraine commémore les victimes de la famine des 1932-1933 »-RIA Novosti

[10] Olivier de Laroussilhe, l’Ukraine, Collection Que sais je, Editions Presses Universitaires de France,Paris,2002.

[11] ibid

[12] ibid

[13] http://fr.ria.ru/world/20100130/185963387.html  Bandera, "héros de l'Ukraine", était un complice des nazis (Centre Wiesenthal)- RIA Novosti.

[15] ibid

[16] ibid

[17] ibid

[18] ibid

[19] http://www.theguardian.com/world/2004/nov/26/ukraine.usa US campaign behind the turmoil in Kiev-The Guardian-26 Novembre 2004

[20] http://fr.ria.ru/world/20130118/197271164.html Ukraine: Ioulia Timochenko soupçonnée de meurtre (Parquet général)-RIA Novosti.

[21] Zbigniew Brzezinski,le Grand Echiquier, l’Amérique et le reste du monde, p126-127, Editions Bayard,Paris, 1997

[22] Diana Johnstone, la croisade des fous, première guerre de la mondialisation, Editions le Temps des Cerises, 2005, Paris

[23] http://www.realpolitik.tv/2014/01/crise-ukrainienne-xavier-moreau-sur-novopress/-Crise ukrainienne : Xavier Moreau sur Novopress-27 Janvier 2014.

[24] Zbigniew Brzezinski,le Grand Echiquier, l’Amérique et le reste du monde, p126-127, Editions Bayard,Paris, 1997

[25]  Diana Johnstone, la croisade des fous, première guerre de la mondialisation, Editions le Temps des Cerises, 2005, Paris.

[26] http://fr.ria.ru/world/20140303/200625556.html-Crimée:Poutine accepte l'initiative de Merkel-3 mars 2014.

[27] http://fr.ria.ru/world/20140416/200984701.html Ukraine: le parlement soutient l'opération militaire dans l'est-RIA Novosti-16 avril 2014 ; 



17/04/2014
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