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Géopolitique


Tensions au Kosovo-Métochie et en Republika Srpska: vers l’ouverture d’un second front sur le flanc sud de la Russie ?

 

 

 

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Par

Jean-Baptiste HUBERT,

Spécialiste en intelligence économique et des questions de sécurité et de défense,

Membre du comité « Sécurité Intérieure » de l’Aqui-IHEDN.

 

 

Début août 2022, parallèlement au conflit en Ukraine, on a vu une réactivation des tensions au Kosovo et en Republika Srpska([1]) qui a pour origine une réforme des conditions d’accès au territoire prétendument kosovar. En effet, l’indépendance du Kosovo n’est pas reconnue au niveau international([2]) et la résolution 1244 de l’ONU est des plus ambiguës sur le sujet. Les dites conditions d’accès ont été durcies avec l’obligation pour les citoyens serbes de porter des plaques d’immatriculation et des papiers d’identité temporaires kosovars. Il y avait déjà eu une tentative d’imposer cette mesure, quasiment un an avant en octobre 2021([3]). Cette mesure fait suite à une série d’évènements ayant conduit à exacerber sensiblement les tensions entre les Serbes du Kosovo-Métochie, les Albanais du Kosovo et le gouvernement de Serbie, voire à frôler le conflit ouvert. Ces évènements sont principalement :

-la passation de pouvoir, suite à l’inculpation d’Hashim Thaçi le 5 novembre 2020 par le tribunal spécial pour le Kosovo([4]), suite à l'enquête du tribunal sur les exactions de  l’UCK. Cette passation a vu l’entrée historique dans l’opposition du Parti démocratique du Kosovo([5]) et l’arrivée au pouvoir des partis de la gauche nationaliste comme « Autodétermination »(Vetëvendosje!) ([6]), le parti de l’actuel Premier Ministre Albin Kurti, majoritaire à l’Assemblée de la province. Est également arrivé au pouvoir, le parti Guxo de la présidente Vjosa Osmani-Sadri proche du PDK ([7]). Ces deux partis ont en commun un manque de légitimité qu’ils cherchent à compenser par des mesures ouvertement nationalistes comme cette obligation faite aux Serbes d’apposer des plaques d’immatriculation kosovares, afin de prouver à l’ensemble des Albanais du Kosovo qu’ils sont aussi nationalistes que le pseudo-opposants du PDK ;

-La modification du mandat de la Kosovo Security Force, le 14 décembre 2019, qui l’a fait passer d’une force de sécurité civile à une armée régulière([8]), situation que Belgrade avait anticipé grâce aux actions de surveillance et aux opérations spéciales de la BIA ([9]), par la réintroduction du service militaire obligatoire au sein des forces armées serbes en octobre 2018 ([10]) ;

-Le meurtre d'Oliver Ivanovic, député serbe du Kosovo, le 16 janvier 2018 qui a relancé les tensions interethniques entre Serbes et Albanais du Kosovo dans la ville symbolique de Kosovska Mitrovica([11]) ;

-L’extension de l’OTAN dans la zone balkanique avec l’adhésion de l’Albanie  à l’OTAN en 2009([12]) et l’adhésion de la Macédoine du Nord en 2019([13]) ;

- Évoquons également les projets de création avortés de l’entité autonome du Kosovo-Nord ([14]), prévue par les Accords de Bruxelles, proposés en 2013 par Catherine Ashton , Haute représentante de l’UE pour les Affaires Étrangères et la Politique de Sécurité. En effet, ce projet est également à l’origine des tensions actuelles, car combattu avec la dernière violence par les partis nationalistes albanais puisqu’il impliquait, en échange de la reconnaissance internationale du Kosovo par Belgrade, de concéder l’autonomie aux 10 municipalités à majorité serbe du nord de la province, ainsi que des droits spécifiques, notamment la possibilité de nommer des juges serbes dans cette zone, un chef de police pour la région, ainsi qu’une administration autonome élue par les habitants serbes, possibilités confirmées en automne 2015 par la Cour constitutionnelle de la province et ayant déclenché la fureur des nationalistes albano-kosovars du PDK notamment .    

C’est le déclenchement du conflit en Ukraine qui est directement responsable du regain des tensions au Kosovo au cours du mois d’août , très probablement inspiré par l’OTAN et dont l’exécutant est le gouvernement kosovar lui-même, afin de permettre à l’Occident de reprendre pied dans la région balkanique , suite à l’extension de l’influence russe et chinoise dans les Balkans durant la période du Covid ([15]).

Rappelons que le conflit en Ukraine latent depuis début 2021 ([16]) s’est ouvert depuis des tentatives d’infiltration sur le territoire des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk le 21 février 2022([17]).Ces derniers ont conduit la Russie à déclencher l’« opération militaire spéciale » actuellement en cours. Au moment où nous écrivons ces lignes, suite à la nomination du général Sergueï Sourovikine comme chef d’état-major général de l’« opération militaire spéciale », nous assistons à un  changement majeur dans la conduite de cette dernière, avec une armée russe qui est de nouveau à l’offensive, puisqu’elle occupe à plus de 75%  la ville stratégique de Soledar, dernier point d’appui de la défense ukrainienne, progressant à nouveau dans la région de Krasnyi Liman tout en ciblant les infrastructures énergétiques classiques du pays. 40% du potentiel énergétique de l’Ukraine est actuellement hors d’usage, alors que l’hiver est déjà là.

Parallèlement, on voit des tentatives otaniennes de diviser les forces pro-russes dans la région balkanique et dans le Caucase en réactivant des conflits gelés([18]) comme au Kosovo ou la reprise des combats entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ce dernier tendant actuellement la main à l’Occident en accordant des facilités en matière gazière, laissant ainsi libre cours à son coup de force militaire contre le peuple arménien ([19]).

Conscient de cette situation, on subodore que la Russie n’est pas étrangère au regain des tensions en Bosnie et aux risques de sécession de la Republika Srpska, lui permettant de jouer une carte inattendue avec l’ouverture d’un second front dans les Balkans qui menacerait directement les intérêts euroatlantiques. En effet, depuis l’adoption d’une loi bosnienne fédérale interdisant l’apologie des crimes et des criminels de guerre condamnés , votée à la demande de l’Office of the High Representative ([20]), Milorad Dodik (président de la Republika Srpska et président du collège présidentiel de Bosnie-Herzégovine) utilise cette situation pour essayer de récupérer des compétences fondamentales transférées au pouvoir central en matière militaire, judiciaire et fiscale et ainsi quitter les structures fédérales pour faire sécession.

Le 9 janvier 2022, 30 ans après la création de la Republika Srpska et à l’issue d’un des plus importants défilés militaires de la zone balkanique rendu possible parce que la VRS ([21]) reçoit armes, instructeurs et soutien de la Russie ([22]), Milorad Dodik a déclaré que l’objectif de tout mouvement national est « la construction d’un État populaire, c’est-à-dire d’un propre État », ce qui souligne le risque des plus sérieux d’une sécession prochaine de la Republika Srpska, menaçant directement les intérêts euro-atlantiques. De son côté le camp occidental a réagi par l’annonce d’un renforcement de l’opération militaire EUFOR Althea, avec l’arrivée prochaine de 500 soldats venant de plusieurs pays frontaliers (Autriche, Bulgarie, Roumanie, Slovaquie([23]).

Enfin, cette situation permettrait également à la Russie de retourner contre elle-même la manœuvre otanienne, comme elle a réussi à le faire dans le Caucase durant cet été sur la question de l’Ossétie du Sud et son annexion à la Fédération de Russie, option à laquelle s’est montré particulièrement favorable, l’ancien président de la république d’Ossétie du Sud-Alanie ([24]), Monsieur Anatoli Bibilov. Ce dernier a même évoqué la tenue d’un référendum sur cette question, ce qui a amené le premier ministre géorgien, Irakli Garibachvili, a adopté une politique et un discours plus mesuré vis-à-vis de la Russie, de peur de subir une nouvelle invasion comme en 2008.

 

[1] ROUQUETTE Pauline, «Kosovo-Serbie :pourquoi ce regain de tensions ? », France24, 01/08/2022, consulté le 08/10/2022, disponible sur : https://www.france24.com/fr/europe/20220801-kosovo-serbie-pourquoi-ce-regain-de-tensions

 

HUSSON Jean-Pierre, « Bosnie Herzégovine : risques de sécession », RAIDS N°433, août 2022, p53.

[2]  « Résolution 1244 de l’ONU sur l’autonomie du Kosovo », site de l’Organisation des Nations Unies, 10/06/1999, consulté le 08/10/2022 : https://undocs.org/fr/S/RES/1244(1999)

 

[3] CUBRILO Milica, « Les tensions entre la Serbie et le Kosovo donnent un prétexte dilatoire à l’UE », Le Figaro, 05/10/2021, consulté le 08/10/2022,disponible sur: https://www.lefigaro.fr/international/les-tensions-entre-la-serbie-et-le-kosovo-donnent-un-pretexte-dilatoire-a-l-ue-20211005

  

[4] «Hashim Thaçi, président du Kosovo, annonce sa démission après son inculpation par un tribunal spécial sur les crimes de guerre », Le Monde,, consulté le 08/10/2022, disponible sur :  https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/05/kosovo-le-president-annonce-sa-demission-apres-son-inculpation-a-la-haye_6058612_3210.html

 

[5] La branche politique de l’UCK dirigée par Hashim Thaçi et régnant d’une main de fer depuis 1999 sur le Kosovo-Métochie. Il est dirigé par Kadri Veseli, ancien chef et bras droit d’Hashim Thaçi. Ce parti est régulièrement accusé de corruption et de coordonner le racket et de capter les revenus des différents trafics qui gangrèneNT et la province et d’avoir des contacts étroits avec les services secrets albanais afin de réaliser le délire grand-albanais contre rétribution sur les mêmes trafic.

 

[6] TROUDE Alexis, les Balkans, une zone grise au cœur de l’Europe, Éditions Perspectives Libres, Paris 2022, pp 95-108.

 

[7] ibid

[8]   Jean-Pierre Husson, Kosovo : la KSF devient une armée, RAIDS N°391 de février 2019, p.48

 

[9]  BIA (Agence de renseignement et de sécurité, Безбедност Информатив агенцийа,), le principal service de renseignement et de contre-espionnage de la République de Serbie.

 

[10] Jean-Pierre Husson, Serbie: retour au service militaire? , RAIDS n°387 d'octobre 2018, p.56.

 

[11] Jean-Pierre Husson, «Kosovo : Regain de tensions », RAIDS N°380 de mars 2018, p.18.

 

[12] Jean-Pierre Husson, «Albanie : une base pour l’OTAN », RAIDS N°387 d’octobre 2018, p.51

 

[13] D’Alançon François, «  L’OTAN accueille la Macédoine », La Croix, 06/02/2019, consulté le 08/10/2022,disponible sur: https://www.la-croix.com/Monde/Europe/LOtan-accueille-Macedoine-Nord-2019-02-06-1201000556

 

 [14] TROUDE Alexis, les Balkans, une zone grise au cœur de l’Europe, Éditions Perspectives Libres, Paris 2022, pp 95-108.

 

[15] HUSSON Jean-Pierre, « Ukraine : Violations du cessez-le-feu », RAIDS N°419, juin 2021, p.56.

 

[16]  « La Russie affirme avoir tué des "saboteurs" ukrainiens, risque d'embrasement », l’Orient-le Jour, 21février 2022, consulté le 08/10/2022, disponible sur: https://www.lorientlejour.com/article/1291349/le-kremlin-juge-premature-dorganiser-un-sommet-poutine-biden.html

 

[17] «Guerre en Ukraine : l'armée russe remplace le commandant de son offensive, après une série de revers sur le terrain », France Info, 08/10/2022, consulté le 08/10/2022, disponible sur :  https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-l-armee-russe-remplace-le-commandant-de-son-offensive-apres-une-serie-de-revers-sur-le-terrain_5405410.html

 

[18] LITOVKINE Nikolaï, « Combattre la Covid-19: la Russie envoie des virologues militaires en Italie », Russia Beyond, 24/03/2020, consulté le 08/10/2022, disponible sur:

https://fr.rbth.com/lifestyle/84451-coronavirus-specialistes-militaires-russes-italie

 

HUSSON Jean-Pierre, « Italie :des militaires russes contre le Covid-19 », RAIDS n°407,p.47.

 

LITOVKINE Nikolaï, « Comment les virologues russes aident à combattre le coronavirus en Serbie », 08/04/2020, consulté le 08/10/2022,disponible sur: https://fr.rbth.com/lifestyle/84532-coronavirus-russie-serbie-aide

 

[19] Un conflit gelé est un conflit qui s’est terminé sans qu’aucun traité de paix ou autre accord politique et/ou diplomatique est était mis en place pour le régler, ce qui signifie qu’il peut reprendre à tout moment  en fonction des intérêts des puissances belligérantes. C’est particulièrement le cas dans le cas du conflit au Kosovo et dans le Haut Karabakh.

 

[20] VINCENT Faustine, «L’Azerbaïdjan face aux crimes de guerre de ses soldats contre des Arméniens », Le Monde, 18/10/2022, consulté le 28/10/2022, disponible sur :

 https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/17/l-azerbaidjan-face-aux-crimes-de-guerre-de-ses-soldats-contre-des-armeniens_6146082_3210.html

 

[21] Le Bureau du Haut représentant (Office of the High Representative) a été créé suite aux accords de Dayton, le 14 décembre 1995 afin de les mettre en œuvre avec la mise en place de la présidence collégiale, la partition en deux entités fédérées ainsi que la très complexe partition en canton de la Bosnie. Dans les faits, ce Haut représentant, souvent d’origine germanique, est le véritable pouvoir exécutif en Bosnie et agit dans le sens des intérêts euroatlantiques

 

[22] VRS (Воиска Република Српска) est l’acronyme des forces armées de la République serbe de Bosnie, crée le 9 janvier 1992 pour faire face à l’ABiH et aux Bérets Verts d’Alija Izetbegovic et au HVO (Hrvatsko Vijeće Obrane, Conseil de défense croate, armée régulière des Croates d’Herzégovine) et HOS (Hrvatske Obrambene Snage, Forces armées croates, la milice du Parti croate du Droit, les héritiers direct des Oustachis de la Seconde Guerre Mondiale, dirigé par Ante Paradžik et Mate Boban, le président de la république autoproclamée d’Herceg-Bosna).

 

[23] EuropNext, « The militarization of policing in Bosnia-Herzegovina-new dimensions of Russian

involvement », consulté le 23/06/2018, disponible sur : http://europenext.eu/2016/06/23/the-militarization-ofpolicing-in-bosnia-herzegovina-new-dimensions-of-russian-involvement/ 

 

[24] HUSSON Jean-Pierre «Ossétie du Sud : un autre front diplomatique », RAIDS N°430, mai 2022, p.55.

 


03/11/2022
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Ukraine : une guerre inévitable ???

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Par

Jean-Baptiste HUBERT,

Spécialiste en géostratégie, intelligence économique et sécurité-défense,

Membre du comité « Sécurité Intérieure » de l’Aqui-IHEDN.

 

Suite à la reconnaissance par la Russie des républiques populaires de Lugansk et de Donetsk, le 21 février 2022 ([1]), le président russe, Vladimir Vladimirovitch Poutine, a décidé le 24 février 2022, d’une opération militaire spéciale d’une ampleur exceptionnelle ([2]), par les moyens engagés ( plus de 200 000 hommes engagés, 400 missiles Kalibr-M tirés pour une centaine d’installations militaires ukrainiennes détruites dans les premières heures de l’offensive russe) ([3]). Elle constitue l’une des plus grandes opérations militaires en Europe depuis la fin des guerres en ex-Yougoslavie, terminées en 1999, et vient bouleverser la stabilité de l’ordre européen issu de ces conflits, fondée sur la mondialisation et l’extension illusoire du « parapluie américain » de l’OTAN.

Cette opération militaire, condamnable sur le plan du droit international, s’explique par la dégradation progressive de la situation politique en Ukraine que l’Europe semblait avoir stabilisée, suite à la signature des Accords de Minsk 2, ratifiés le 15 février 2015 par la France, l’Allemagne, l’Ukraine et les deux républiques séparatistes ; la Russie et la Biélorussie étant des membres observateurs. Or, depuis cette date, malgré une relative accalmie suite à l’élection de Volodymyr Zelensky le 31 mars 2019, avec un échange de prisonniers intervenu quelques mois plus tard et la crise sanitaire liée au Covid-19([4]); les émeutes de l’opposition anti Loukachenko en Biélorussie([5]); les différents incidents navals notamment la violation des eaux territoriales russes par le HMS Defender en marge de l’exercice  « Sea Breeze » 2021([6]) et le retrait des troupes américaines d’Afghanistan([7]) ont sensiblement augmenté la tension mondiale et ont contribué à relancer ce conflit gelé, qui a la potentialité de replonger l’Europe dans une guerre que l’on pourrait éviter .

I- Entre manquements diplomatiques, provocations et soutien militaire à l’Ukraine : la volonté atlantiste de maintien de la domination américaine.

En effet, contrairement à ce qu’affirment la plupart des médias français, l’Occident et ses positions géopolitiques, en particulier celles des Américains et de l’OTAN, sont coresponsables du déclenchement de ce conflit. Ceci s’explique par la géopolitique américaine héritée de la guerre froide, faite de containment qui visait à stopper l’extension de la zone d’influence soviétique en Europe([8]);  de la théorie du Rimland qui a conduit l’OTAN à mettre en place son réseau de bases militaires dans le monde, afin  de contrôler la puissance continentale qu’était l’URSS tout en assurant la liberté de manœuvre  ([9]) et de la pensée de Zbignew Brzezinski qui considérait l’Ukraine comme « un pivot stratégique » pour s’assurer la domination mondiale et comme un territoire essentiel pour une Russie cherchant à recouvrer un statut de puissance mondiale de par sa position géostratégique , ses ressources et son héritage identitaire, rappelé par Poutine, qui justifie le statut de puissance européenne de la Russie ([10]).

De plus, plusieurs manquements diplomatiques et provocations de l’Occident depuis la fin de la guerre froide ont renforcé en Russie la défiance vis-à-vis de l’Occident et plus particulièrement la France qui entretenait une relation d’échanges diplomatiques étroits et fructueux avec la Russie et aurait pu assumer son rôle traditionnel de puissance médiatrice. Par ailleurs, ils ont également contribué à renforcer la sensation d’être encerclé :

-          Tout d’abord la promesse non tenue de l’OTAN à Gorbatchev de sa non extension à l’est, faite  le 9 Février 1990 dans le cadre des négociations du Traité de Moscou de 1990([11]), a bel et bien eu lieu ; Ceci est confirmé par l’ancien ministre des Affaires Étrangères français, Roland Dumas ([12]), ce qui tend à alimenter les griefs russes évoqués lors du discours du 21 février 2022 prononcé par Poutine ([13]) et souligne la volonté de maintien de l’impérialisme américain dans le monde et ce, depuis la fin de la deuxième  guerre mondiale.

 

-          Il faut aussi évoquer que  l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine en 2014, évènement déclencheur du conflit, et la récente demande d’adhésion à l’UE de l’Ukraine ([14]), pourrait constituer une violation du point 3 du Mémorandum de Budapest qui stipule que «  les Etats parties s’engagent à s'abstenir d'utiliser la pression économique sur l'Ukraine en vue d'influencer sa politique »([15]) . Or les fortes incitations et les perspectives alléchantes qu’y étaient mises en avant en 2014 pour faire adhérer l’Ukraine, pourraient être considérées comme une pression économique.

 

-          Le non-respect et la non application des Accords de Minsk 2 par le gouvernement ukrainien et le fait que la France et l’Allemagne,  en tant que membres observateurs des accords, n’ont tpas suffisamment fait pression sur le gouvernement de Kiev quant au respect des points  2,3,11,12, 13 à savoir : le retrait des armes lourdes de chaque côté de la ligne de cessez-le-feu; la vérification du cessez-le-feu ; une  réforme constitutionnelle de l'Ukraine qui aurait dû mener à une fédéralisation, avec la création d’une république autonome de la Novorossiya ; un gouvernement provisoire à l'Est ; et la mise en place de groupes de travail trilatéraux puisque les tirs d’artillerie et les combats ont continué après février 2015, notamment dans la région d’Avdiïvka où  en 2016 les forces armées ukrainiennes ont tenté de lancer une offensive stoppée par les forces armées de la Novorossiya.

Notons également les différentes interventions otaniennes dans l’espace post-soviétique, désigné en Russie sous le terme « d’étranger proche » ([16]), où la Russie conserve une influence politique majeure par le biais de l’Union économique eurasiatique ()et de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC/ОДКБ) qui a démontré sa capacité de réaction opérationnelle lors de la récente crise kazakh de janvier 2022. Les forces de l’OTSC, principalement russes, s’y sont déployées en moins de 48 heures, ont contribué à ramener le calme dans le pays et ont rejoint leurs bases moins d’une semaine plus tard([17]).

Ce fut particulièrement vrai avec l’Opération Force Alliée de l’OTAN en 1999, non autorisée par le Conseil de Sécurité de l’OTAN, qui conduisit au bombardement de Belgrade lors de la Pâques orthodoxe et à la création d’un non Etat failli, le Kosovo. Son existence menace la sécurité de l’Europe tant par le fait qu’il est dirigé par des criminels drapés dans une fausse légitimité de combattants de la liberté ([18]) que parce qu’il constitue le premier pays d’Europe d’origine des combattants étrangers de Daech([19]) ;  le soutien discret et indirect des services américains aux différents mouvements indépendantistes  et  aux révolutions de couleur dans l’espace post soviétique, notamment en Tchétchénie  avec le mouvement séparatiste tchétchène de Djokhar Doudaïev, reconnu par la Géorgie et l’émirat islamique d’Afghanistan, puis les différentes organisations islamistes présentes en Tchétchénie, en particulier la Brigade internationale islamique de maintien de la paix, créée en 1998 par le Saoudien Ibn al-Khattab, l’un des commandants moudjahidin proche d’Oussama ben Laden ([20]); en Géorgie avec le gouvernement indépendantiste géorgien de Zviad Gamsakhourdia qui reconnut la République tchétchène d’Itchkérie et contribua à armer cette république et la Révolution des Roses qui porta au pouvoir le leader pro-occidental et antirusse Mikheil Saakachvili, formé aux Etats-Unis  ou encore la révolution arménienne de 2018 et son leader, l’actuel Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, visiblement très proche des Etats-Unis et soutenu par la diaspora arménienne américaine, puisque depuis son accession au pouvoir , la National Endownment for Democracy, ONG faux nez du Département d’Etat américain, a ouvert un bureau de représentation à Erevan et  développe ses activités dans le pays. 

Il faut aussi mentionner le fait que les Etats-Unis appuient depuis sa création, le 7 juin 2001, l’Organisation pour la démocratie et le développement dite alliance GUAM ( Géorgie-Ukraine-Azerbaïdjan-Moldavie), organisation de coopération et de sécurité régionale  formée par la Géorgie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan, la Moldavie, quatre pays issus de l’éclatement de l’Union Soviétique où des conflits subsistent dans lesquels la Russie est impliquée du côté des séparatistes ( Abkhazie, Ossétie du Sud, Crimée et Donbass, Haut Karabakh, Transnistrie). Ceci s’explique par la présence d’un envoyé américain qui siège au sein de cette organisation sans compter qu’elle s’est fixée comme but, lors de la réunion de Kiev le 28 mai 2005, de se rapprocher de l’Union Européenne et de l’OTAN en réduisant sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, en construisant, avec l’aide des Etats-Unis, des pipelines et des gazoducs contournant la Russie et la constitution d’une force de sécurité pour protéger ces différents réseaux de transport énergétique. Ces objectifs, combinés avec la création la même année du pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan, en présence du secrétaire d'État à l'énergie des États-Unis Samuel Bodan, sont directement responsables de «la guerre du gaz» en 2007, où la Russie a coupé le gaz à l’Ukraine de Iouchtchenko, issu de la Révolution Orange et de l’intervention militaire russe en Géorgie, militairement soutenu par les Etats-Unis.

D’ailleurs, la présence de conseillers militaires occidentaux, notamment américains et canadiens, est également un sujet sensible pour la Russie car cette présence a conduit l’Ukraine à se rapprocher de l’OTAN comme l’ont montré les différentes éditions de l’exercice naval de l’OTAN, Sea Breeze, qui s’est régulièrement tenu en Ukraine depuis 2005. La dernière édition a vu la violation des eaux territoriales russes par la frégate britannique HMS Defender, action qui aurait été directement ordonnée par Boris Johnston ([21]), sans oublier qu’il est de notoriété publique que l’opération Unifier (opération d’assistance militaire de l’armée canadienne à l’Ukraine) est connue pour entrainer et préparer, au sein du camp Delta, des membres de la milice néo-nazie Centuria([22]), intégrée au sein la Garde nationale d’Ukraine, recréée par l’ancien ministre de l’Intérieur ukrainien, Arsen Avakov et véritable creuset de l’ultranationalisme ukrainien. On y retrouve les membres des formations paramilitaires liés aux différents partis politiques d’extrême droite ukrainiens, refondés pour la plupart dans la décennie post-soviétique.

Parallèlement à ces provocations politiques, il est important de mentionner que l’ex-président Petro Porochenko a approuvé le 15 décembre 2018, la création d’une Église autocéphale d’Ukraine , indépendante du Patriarcat de toutes les Russies, alors que par tradition l’orthodoxie a toujours été liée au Patriarcat de toutes les Russies depuis 332 ans. Ce schisme religieux peut être interpréter comme une volonté de l’Ukraine d’être indépendante de Moscou, mais également comme une continuation de la lutte d’influence entre le patriacat de Constantinople, considéré traditionnellement comme le primat des patriarches orthodoxes, et le Patriarcat de toutes les Russies qui est le plus influent des patriarcats orthodoxes car regroupant une communauté de 300 millions de fidèles. Or, il s’avère que ce schisme religieux, contribuant à créer un conflit au cœur du conflit ukrainien et à jeter le trouble entre deux peuples chrétiens orthodoxes unis par une même vision spirituelle et de profonds liens de famille, aurait été appuyée par le Département d’Etat américain et plus particulièrement par l’ambassadeur américain pour la  «  liberté religieuse internationale », Samuel Brownback qui serait également impliqué dans la mise au point de la loi sur la liberté religieuse mise en place par le régime de Milo Đukanović ([23]).

Nationalisme ukrainien, clientélisme politique et crime organisé : les liaisons dangereuses du pouvoir ukrainien.

Lors de l’indépendance de l’Ukraine le 24 août 1991, il y a eu une renaissance du nationalisme ukrainien, alors qu’elle était en but à de profonds problèmes économiques liés à la restructuration économique du système post-soviétique et à une corruption endémique. C’est dans ce contexte que plusieurs partis nationalistes ukrainiens s’affirment sur la scène politique ukrainienne comme l’Assemblée nationale ukrainienne - Autodéfense ukrainienne (UNA-UNSO pour Українська Національна Асамьлея–Українська Наробна Самооборона),le Congrès des nationalistes ukrainiens ( KUN pour Конгрес українських націоналістів), l’Union panukrainienne « Liberté » (Всеукраїнське об’єднання «Свобода») ou encore Secteur droit (правы сектор). Cette renaissance a été accompagnée par la diaspora ukrainienne présente en Amérique du Nord, très liée aux anciens collaborateurs de l’Allemagne nazie et plus particulièrement ceux regroupés au sein du Bloc des nations antibolchéviques (ABN, créé en 1946 à Munich et dirigé par Iaroslav Stetsko, adjoint de Stepan Bandera et un temps premier ministre de la République auto-proclamée d’Ukraine, état satellite de l’Allemagne durant la seconde guerre mondiale). Certains de ces partis comme l’UNA-UNSO ont même fourni des combattants antirusses lors de la guerre de Transnistrie (1992) et d’Abkhazie (1992-1993). Cependant, c’est plus particulièrement en 2004 lors de la révolution Orange et des évènements de l’Euromaïdan que les milices de ces formations politiques ont acquis leur pouvoir politique avec la nomination Andriy Paroubi comme président de la Verkhovna Rada ou encore Dmytro Iaroch, leader de Pravy Sektor  nommé conseiller au sein du ministère de la Défense ukrainien ([24]) et sont devenus un instrument de la politique de nettoyage ethnique au Donbass. Le financement des unités spéciales, constituées des militants des formations paramilitaires de ces partis, a été assuré par des oligarques en particulier Ihor Kolomoïsky qui est le principal financier des bataillons Dnipro 1 et 2, Azov, Aïdar et Donbass([25]).Les raisons qui auraient poussé ce milliardaire ukrainien propriétaire de Privat Bank, connu pour son soutien à Israël, serait à la fois le souci de protéger ses entreprises, des raisons politiques, car il a été nommé en 2014 gouverneur de Dniepropetrovsk ,est une adhésion à l’idéologie antirusse véhiculée par des membres de l’extrême droite israélienne portée par des députés proche d’Avigdor Liebermann, populaire ministre des affaires étrangères et de la Défense israélien , d’origine moldave, issu d’une famille de Juifs refuzniks ([26]) .  L’implication de ces milices dans la guerre civile au Donbass depuis 2014 leur a parallèlement permis de faire pression sur le gouvernement ukrainien avec force menaces de coup d’état([27]).

Parallèlement aux milices ultranationalistes, il faut aussi mentionner l’influence des groupes criminels dans le jeu politique ukrainien qui, profitant des richesses accumulées par les divers trafics en particulier d’armes lors de la période post soviétique, feront des mafias ukrainiennes les fournisseuses d’armes de la Géorgie, des différentes républiques ex-yougoslaves dont la Croatie, de la Tchétchénie séparatiste  et encore de nos jours, comme le montre la présence d’armes ukrainiennes qui se sont ainsi retrouvées aux mains des Talibans pakistanais, en République démocratique du Congo et dans des pays sous embargo tels que la Sierra Leone, le Liberia et la Croatie des années 1990 ([28]), fournissant les services d’ordres et des auxiliaires aux oligarques ukrainiens comme Ihor Kolomoïsky , Taruta, Rinat Akhmetov, régulièrement accusés de corruption([29] et influençant les élections. D’après le journal d’opposition Nashi Groshi, Petro Porochenko serait lui aussi impliqué dans le trafic d’armes à hauteur de plus de 8 millions d’euros, encaissés par lui-même ou ses proches, ce qui implique des connexions avec les milieux interlopes. Il faut aussi mentionner encore les différentes cargaisons troubles d’armes lourdes, dont des chars originaires d’Ukrain, à destination de pays sous embargo comme la Somalie ou le Sud Soudan, où en 2008, la cargaison du navire ukrainien Faina, constitué d’une trentaine de chars T64, a été interceptée par des pirates somaliens([30]). Mentionnons également des liens d’hybridation entre le crime organisé et le mercenariat, car régulièrement, depuis les années, les forces françaises dans les différents pays d’Afrique arrêtent régulièrement des pilotes d’hélicoptères biélorusses et ukrainiens dont les liens avec les mafias d’Europe de l’Est sont avérés.

Parallèlement à ces liens avec le crime organisé, on constate que les hommes politiques ukrainiens, tant les pro-russes liés à Ianoukovytch que l’ancien gouvernement Porochenko, brillent par leur corruption vis-à-vis d’organisations étatiques ou paraétatiques étrangères comme le souligne le train de vie somptuaire de l’ancien président Ianoukovytch ou encore les liens étroits qui unissent Arseni Iatseniouk , ancien premier ministre ukrainien, au très controversé cabinet de conseil McKinsey , actuellement impliqué dans la gestion du Covid-19 et responsable de la vague de toxicomanie qui touche les USA depuis une dizaine d’année. Il faut mentionner également les liens très étroits qui unissent l’actuel président ukrainien Volodymyr Zelensky et Ihor Kolomoïsky tout d’abord au niveau confessionnel et également parce que la série « Serviteur du Peuple » qui a fait la célébrité de Zelensky a été produite par et sur la chaine 1+1, propriété de Kolomoïsky. Il est également cité dans les Pandora Papers pour un montant d’1 milliard 200 millions de dollars et une propriété à Miami.

Citons également l’affaire Burisma , du nom de la principale compagnie pétro-gazière ukrainienne dans laquelle Hunter Biden siégeait au conseil d’administration et où il a organisé un système de rétro-commissions, au profit du financement de la campagne de son père lors de l’élection présidentielle américaine. Cela conduira au renvoi du procureur général d’Ukraine par le gouvernement ukrainien, sur pression de Joe Biden lui-même et du Département d’Etat américain([31]).

 

III- Conflit en Ukraine : quelles conséquences pour quelles sorties de crise ???   

Au bout de 15 jours de conflit, il est encore trop tôt pour voir une rapide sortie du conflit, tant les positions sont radicalisées de part et d’autre, et l’évolution de la situation dépendra de l’avancée des troupes russes et de la résistance de l’armée et de la population ukrainienne. D’ailleurs, le fait que les troupes ukrainiennes n’aient pas lancé d’offensive et que le président ukrainien ait fait distribué des armes à l’ensemble de la population démontre une situation particulièrement préoccupante du côté ukrainien qui risque de s’aggraver ces prochains jours, avec le retour du gel annoncé depuis le 10 mars 2021. Ainsi, le retour du gel va consolider les sols dégelés et boueux et faciliter l’offensive générale russe, si Poutine le décide.

Les principales avancées dans la résolution de ce conflit sont le maintien de sessions de négociation à Gomel en Biélorussie, à l’initiative de la Russie dès le 28 février 2022, ainsi que la médiation de la Turquie qui propose ses bons offices pour arriver à une sortie diplomatique de ce conflit. Soulignons également l’ouverture d’une grande conférence de paix à Versailles en date du 11 mars 2022 qui devra régler l’ensemble des conflits issus de l’éclatement de l’Union Soviétique, si elle tient à consolider la stabilité et l’équilibre politique en Europe, sans se contenter de régler les différents problèmes du conflit ukrainien, dont la résolution n’est pas assurée vu l’ampleur des problèmes de corruption, d’extrémisme politique et de pauvreté qui touchent ce pays. Cela risque de raviver certains conflits dormants en Europe comme le Kosovo voire, après analyse des évènements en Ukraine jusqu’à leur terme, amener la Chine à régler le différend territorial avec Taïwan en adoptant la ligne dure.

L’une des seules options sur la table reste la fédéralisation de l’Ukraine avec la création de deux entités politiques séparées au sein d’une Ukraine neutre, sans reproduire les erreurs des négociation de Dayton sur la résolution de la guerre de Bosnie, notamment la nomination d’un Haut représentant de l’ONU qui actuellement contribue à un blocage politique total entre les deux entités de la Bosnie Herzégovine induisant également un risque de radicalisation politique dans ce pays, dont une partie  se trouve être un réservoir de terroristes islamistes ([32]) et constitue une bombe à retardement en Europe.

 

[1] LAGNEAU Laurent, «Le Parlement russe approuve les accords conclus avec les républiques populaires de Donetsk et de Lugansk », Opex360.com, 22/02/2022, consulté le 07/03/2022, disponible sur : http://www.opex360.com/2022/02/22/le-parlement-russe-approuve-les-accords-conclus-avec-les-republiques-populaires-de-donetsk-et-de-louhansk/

 

[2] « Vladimir Poutine annonce une opération militaire en Ukraine »,AFP,24/02/2022, consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=kKiwOwaTnTI

 

[3]RODIER Alain, « Ukraine : à l’aube du deuxième jour de guerre », RAIDS,25/02/2022, consulté le 07/03/2022,disponible sur : https://raids.fr/2022/02/25/ukraine-a-laube-du-deuxieme-jour-de-guerre/

 

[4] « Ukraine. Echange massif de prisonniers entre Kiev et les séparatistes prorusses », Ouest-France,30/12/2019, consulté le 07/03/2022,disponible sur : https://www.ouest-france.fr/europe/ukraine/ukraine-echange-massif-de-prisonniers-entre-kiev-et-separatistes-6672973

 

[5] HUBERT Jean-Baptiste, « Biélorussie : vers un scénario anti-Maïdan et une possible réforme constitutionnelle », L’Autre Europe, 25/10/2020, consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://l-autre-europe.blog4ever.com/bielorussie-vers-un-scenario-anti-maidan-et-une-possible-reforme-constitutionnelle-1

 

[6] « U.S. Sixth Fleet announces Sea Breeze 2021 participation », America’s Navy, 21/06/2021, consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://www.navy.mil/Press-Office/News-Stories/Article/2664699/us-sixth-fleet-announces-sea-breeze-2021-participation/

 

[7] « La Turquie courtise Biden avec son offre de protéger l’aéroport de Kaboul », Le Journal de Montréal, 29/07/2021, consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://www.journaldemontreal.com/2021/07/29/la-turquie-courtise-biden-avec-son-offre-de-proteger-laeroport-de-kaboul

 

[8] La théorie du containment a été mis au point par George Kennan, ambassadeur des Etats-Unis à Moscou et visait à contenir l’avancée soviétique en Europe par le soutien économique, politique et militaire aux démocraties d’Europe occidentale comme par exemple en utilisant le le Plan Marshall, le pont aérien sur Berlin en 1954 ou encore le soutien aux réseaux stay-behind

 

[9]  La théorie du Rimland, créé par Nicholas John Spykman dans les années 50 qui veut que le contrôle de la bande de terre côtière entourant le Heartland ( le Rimland) est le plus important territoire à contrôler car il permet de maitenir la mainmise de la puissance maritime américaine sur l’Heartland.

 

[10]  BRZEZINSKI Zbignew, Le Grand Échiquier, l’Amérique et le reste du monde, Bayard Éditions, 1997, pp 74-75

 

[11] «Les révélations de Roland Dumas sur les négociations autour de l'OTAN en 1991 », Sud Radio, 01/03/2022, consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=uDyfjfbfSyo

[12] Ibid

 

[13] Vladimir Poutine annonce une opération militaire en Ukraine »,AFP,24/02/2022, consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=kKiwOwaTnTI

 

[14] « Adhésion de l'Ukraine à l'UE : la demande en cours d'examination, France24, 07/03/2022, consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=sxZLcmH08Hg

 

[15] Mémorandum relatif aux garanties de sécurité dans le cadre de l’adhésion de l’Ukraine au

Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Budapest, 5 décembre 1994 », Organisation des Nations Unies, 05/12/1994, consulté le 07/03/2022, disponible sur :  https://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%203007/Part/volume-3007-I-52241.pdf

 

[16] Le concept d’étranger proche désigne la zone géographique constituée par l’Asie Centrale et les anciens pays satellites de l’Union Soviétique, que la Russie considère comme sa zone d’influence où elle se réserve le droit d’intervenir militairement pour défendre ses différents intérêts comme l’as montré l’intervention récente au Kazakhstan 

 

[17] LITOVKINE Nikolaï, « Qu’est-ce que l’OTSC et pourquoi a-t-elle envoyé des soldats de la paix au Kazakhstan ? », Russia Beyond, 12/01/2022, consulté le 07/03/2022, disponible sur :https://fr.rbth.com/lifestyle/87654-otsc-intervention-kazakhstan

 

[18] HUBERT Jean-Baptiste , «Démission de Ramush Haradinaj : une nouvelle affaire Gotovina», l’Autre Europe, 27/09/2020, consulte le 07/03/2022, disponible sur: https://l-autre-europe.blog4ever.com/demission-de-ramush-haradinaj-une-nouvelle-affaire-gotovina-1

[19] Jean Pierre Husson, « Kosovo, volontaires djihadistes en hausse », RAIDS n°344 de janvier 2015, pp 20-21

 

[20] Gilles Kepel, Jihad, édition 2003, p. 360

 

[21] « Boris Johnson aurait directement autorisé le HMS Defender à violer les eaux territoriales russes », Sputnik News

,25/06/2021 consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://fr.sputniknews.com/20210625/boris-johnson aurait-directement-autorise-le-hms-defender-a-violer-les-eaux-territoriales-russes-1045786509.html

 

[22] LESTER Norman « Qui l’armée canadienne forme-t-elle en Ukraine, Le Journal de Montréal, 22/01/2022, consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://www.journaldemontreal.com/2022/01/28/qui-larmee-canadienne-forme-t-elle-en-ukraine

 

[23] HUBERT Jean-Baptiste, « Monténégro, la riposte des orthodoxes monténégrins dans les urnes », l’Autre Europe, 25/10/2020, consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://l-autre-europe.blog4ever.com/montenegro-la-riposte-des-orthodoxes-montenegrins-dans-les-urnes-1

 

[24] « Poursuites en Russie contre le chef du mouvement nationaliste ukrainien Pravy Sektor », Le Point, 3/03/2014,consulté le 07/03/2022,disponible sur : http://www.lepoint.fr/monde/poursuites-en-russie-contre-le-chef-du-mouvement-nationaliste-ukrainien-pravy-sektor-03-03-2014-1797194_24.php

 

[25] 

 SHARKOV Damian, «Ukrainian Nationalist Volunteers Committing 'ISIS-Style' War Crimes », Newsweek, 09/10/2014, consulté le 07/03/2022, disponible sur: https://www.newsweek.com/evidence-war-crimes-committed-ukrainian-nationalist-volunteers-grows-269604

 

[26] Les refuzniks représentaientprincipalement  en URSS, des citoyens soviétiques de confession juive qui s’étaient vus supprimer leur droit d’obtenir leur visa en particulier pour émigrer vers Israël. Dans les années 90 , beaucoup de juifs soviétiques ont fait leur alyah vers Israël. Cet afflux d’immigrés juifs a alimenté plusieurs réseaux de fabrication de faux certificats de judaïté dont profiteront certains groupes criminels issus de l’ex-URSS.

 

[27]  « Ukraine : un député prône un changement de pouvoir », Sputnik News, 18/05/2015, consulté le 07/03/2022, disponible sur : http://fr.sputniknews.com/international/20150518/1016127512.html

 

[28]  DENIS Jacqmin, « L’Ukraine, une nouvelle source pour le trafic d’armes », Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, 23/08/2016, consulté le 07/03/2022, disponible sur :https://grip.org/lukraine-une-nouvelle-source-pour-le-trafic-darmes/

 

BLANC Hélène, Le Dossier noir des mafias russes, Editions Balzac Le Griot, Collection «  l’envers du décor », Paris, 1998. pp 75-86.

 

 [29]«Akhmetov visé par la lutte anticorruption », Le Figaro, 14/04/2017, consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/04/14/97002-20170414FILWWW00182-akhmetov-vise-par-la-lutte-anticorruption.php

 

[30] GOBERT Sébastien , « Ukraine : soupçons sur Porochenko, le président anti-corruption »,Ouest-France, 04/03/2019,consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://rennes.maville.com/actu/actudet_-ukraine-soupcons-sur-porochenko-le-president-anti-corruption_54135-3662241_actu.Htm

 

BRAQUEHAIS, Stéphanie, « Des chars en eaux troubles », Libération, 30/09/2008, consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://www.liberation.fr/planete/2008/09/30/des-chars-en-eaux-troubles_110347/

 

[31] MOREAU Xavier, «Bidengate », Stratpol, 26/09/2019, consulté le 07/03/2022, disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=IoQOhWEu8bM&t=6s.

 

[32] TROUDE Alexis-Gilles, « Balkans, la fracture, la base européenne du djihad », Editions Xenia, Collection le Chaînon manquant, Paris, 2017.  

 


24/03/2022
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La politique étrangère américaine en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et en Asie Centrale, depuis l’élection de Joe Biden : entre provocations militaires, retraits anticipés de troupes et atermoiements

 

 

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La politique étrangère américaine en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et en Asie Centrale, depuis l’élection de Joe Biden : entre provocations militaires, retraits anticipés de troupes et atermoiements

 

Par

Jean-Baptiste HUBERT,

Spécialiste en intelligence économique et des questions de sécurité et de défense,

Membre du comité « Sécurité Intérieure » de l’Aqui-IHEDN.

 

Depuis l’investiture de Joe Biden, le 20 janvier 2021, force est de constater que la politique étrangère américaine, plus particulièrement en Europe de l’Est, est radicalement différente de celle de son prédécesseur, Donald Trump. Elle était marquée par un retour à l’isolationnisme  comme le souligne l’annonce du retrait des forces américaines en Afghanistan, entamée sous le mandat de Donald Trump ([1]) et qui a été effective le 31 août 2021. Le positionnement du nouveau secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, semble renouer avec la politique du « Big Stick » et le maintien de l’impérialisme américain,  alors que l’hyperpuissance américaine semble de plus en plus concurrencé par la Russie et surtout la Chine, devenue en 2021, la première puissance économique mondiale([2]). En effet, dès le mois de février, Joe Biden et l’administration américaine ont décidé d’une démonstration de force vis-à-vis de la  Russie, toujours perçue par Washington comme une menace potentielle en Europe. Cette dernière a pris la forme d’un déploiement de deux frégates américaines de la 6ème flotte en Mer Noire, notamment la frégate USS Donald Cook qui y est entrée le 23 janvier 2021. Cela a déclenché la mise en alerte de bâtiments de la Flotte russe en Mer Noire, notamment la frégate Amiral Makarov qui a participé quelques jours plus tard à un exercice de destruction de navire  ([3]), afin de surveiller les agissements de ces navires et de « déranger » leur navigation, selon les déclarations de l’ancien amiral Viktor Kravtchenko ([4]) et de répondre à la démonstration de force américaine, visant à légitimer un président qui, à peine élu, est déjà contesté suite à des rumeurs de fraude.

Rappelons que les deux frégates américaines sont librement entrées dans les eaux territoriales de la Fédération de Russie, en vertu du mécanisme dit du « droit de passage inoffensif », en application des dispositions de la Convention de l’ONU sur le droit de la Mer de Montego Bay([5]).

Depuis, les incidents se sont multipliés, en particulier le 23 juin 2021, lorsque le destroyer britannique HMS Defender, en marge de l’exercice naval de l’OTAN Sea Breeze, commencé  le 21 juin 2021([6]), a décidé de violer la limite des eaux territoriales russes. Devant son refus d’obtempérer il a essuyé des tirs de semonce de la part de la flotte russe de la Mer Noire.

Notons que ce dernier incident, en marge d’un exercice militaire majeur, relève de la provocation pure et simple dans le but d’en exploiter toutes les conséquences politiques qui en découlent, comme semble le souligner la décision du premier ministre britannique Boris Johnson qui aurait autorisé ce navire à violer les eaux au large de la Crimée, considérées comme des eaux territoriales russes, depuis le rattachement de la péninsule à la Russie en 2014. En effet, des documents britanniques secrets publiés par la BBC semblent appuyer la thèse de la provocation sur fond de non reconnaissance du rattachement de la Crimée, alors qu’au titre de la résolution 1244 de l’ONU([7]), le fait qu’une population dont la langue est majoritaire sur un territoire donné et que celle-ci approuve le rattachement de son territoire à un autre état est licite ([8]). 

Parallèlement à ces incidents maritimes, suite à l’adoption par l’Ukraine d’un décret qui désigne la Crimée comme territoire temporairement occupé, il y a eu une reprise des combats dans le Donbass depuis mars 2021 avec une intensification des tirs d’artillerie entre les unités de l’armée ukrainienne et les forces des républiques de la Novorossiya([9] ). La Russie a jugé nécessaire de mobiliser ses unités militaires, sous la forme d’un exercice militaire préparatoire prévu depuis longtemps, tant pour préparer les unités des districts militaires Ouest et Sud, qui seront impliqués dans  l’exercice militaire majeur Zapad, prévu pour septembre 2021, que pour faire une démonstration de force propre à ramener certains dirigeants ukrainiens  à plus de modération. Citons Dimitri Kortchinksi, ancien chef de l’organisation terroriste UNA-UNSO. Il est connu pour ses déclarations incendiaires vis-à-vis des républiques populaires ([10]), ayant déclaré en janvier 2021 que l’armée ukrainienne était démoralisée et n’était pas prête pour mener une offensive, en dépit des annonces d’offensive mis en avant à cette date ([11]). Parallèlement à ces déclarations, la porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères russe, Maria Zakharova,  a réaffirmé  que les exercices militaires menés par la Russie en mer Noire étaient «  parfaitement légitimes » ([12]). La situation s’est encore tendue au mois de juin, suite au brusque changement de position  du Président ukrainien Volodymyr Zelensky. Il a proposé un projet de loi sur les peuples autochtones qui , de fait, prive la reconnaissance d’une langue et d’une culture spécifiques à plusieurs peuples autochtones dont les Russes ([13]), adoptant ainsi la position de l’ancien gouvernement en particulier MM. Iatseniouk et Avakov,  alors qu’il s’était prononcé pour une reconnaissance de la langue russe comme langue régionale ([14]).

La situation ukrainienne s’explique par la très forte influence politique, économique et militaire qu’exerce les Etats-Unis en Ukraine par le biais de:  

-L’importante contribution financière et militaire américaine au régime de Kiev depuis 2014 qu’a renouvelé Joe Biden, en versant une nouvelle enveloppe à hauteur de 125 millions de dollars dans cadre de l’USAI (Ukraine Security Assistance Initiative) qui doit servir à aider l’Ukraine à acquérir des patrouilleurs armés Mark VI pour reconstituer la flotte ukrainienne, des radars de contre-batterie et des systèmes de commandement C3I/C4ISTAR. Ce programme représente en 2021, selon le Pentagone, une somme de 250 millions de dollars. Rappelons que depuis 2014, l’aide apportée par les Etats-Unis à l’Ukraine représente plus de 2 milliards de dollars ([15]) ;

- Un soutien diplomatique particulièrement fort à ce même régime comme l’ont montré l’implication personnelle de feu John McCain et de Victoria Nuland en 2014 en Ukraine, connue pour son fameux «  Fuck The EU » qui souligne le point de vue des Américains sur l’Union Européenne, perçue comme un vassal de leurs intérêts, particulièrement en Ukraine ([16]) ;

- l’implication personnelle du nouveau président américain dans l’affaire Burisma, du nom de la principale compagnie pétro-gazière ukrainienne, où son fils  Hunter Biden, siégeait au conseil d’administration et a usé de sa position pour mettre en place un système de corruption et de  rétro-commissions visant à financer la campagne de son père, à tel point que Joe Biden a fait pression sur le président Zelenski pour faire muter le procureur général de l’époque ([17]).

Cependant, la position américaine sur l’Ukraine semble évoluer depuis le sommet de Genève du 16 juin 2021, puisque Joe Biden s’est dit favorable aux accords de Minsk, contrevenant aux intérêts du régime kiévien. En effet, ces accords consacrent la cessation des hostilités et l’autonomie des républiques de Donetsk et de Lougansk, comme voie de résolution du conflit ukrainien. Les autres sujets évoqués au cours  du sommet ont été :

-la parité stratégique et l’intention des Etats-Unis de revenir sur le retrait américain du traité INF (Intermediate Nuclear Forces), réalisé durant la présidence Trump. Or, les Etats-Unis sont en retard sur le développement de contre-mesures face aux nouvelles armes hypersoniques russes, comme le missile Kinjal et le planeur hypersonique Avanguard ;

-l’Arctique et la montée en puissance des moyens russes dans cette zone de plus en plus stratégique tant au niveau militaire qu’au niveau économique avec le développement de la Route Maritime Nord ;

Parallèlement à l’Ukraine, le retrait des forces américaines en Irak, le maintien du régime de Bachar al Assad et le déclenchement du second conflit du Haut-Karabakh confirment le reflux de la puissance américaine au Moyen-Orient et l’émergence de nouvelles puissances régionales. Citons l’Iran qui a réussi à reconstituer sa zone d’influence au sein des pays du « croissant chiite » ( Nord de l’Irak, sud Liban, Syrie, Azerbaïdjan)  , s’en servant comme une zone tampon contre les menées américaines. Ce renversement stratégique a été favorisé par la mise en place d’unités paramilitaires sur une base religieuse, formées par des officiers issus de la force Al Qods des pasdarans([18]), tant en Syrie avec la branche militaire du Hezbollah qu’en Irak avec les Hachd al Chaabi ( unités de mobilisation populaire). Ces deux formations , auréolées de la victoire contre Daech, servent également de relais d’influence à Téhéran en s’inscrivant durablement dans le jeu politique local.

Il faut noter également  la montée en puissance de la Turquie dans la région qui, par son aventurisme militaire en Libye et dernièrement au Haut-Karabakh, représente à la fois le plus inquiétant, et paradoxalement le  meilleur allié des Américains. La rencontre Erdogan-Biden en marge du sommet de l’OTAN en juin 2021 s’est soldée par une déclaration commune des deux présidents saluant « un entretien productif et sincère ». Ils ont souligné qu’ « aucun problème dans les relations entre la Turquie et les Etats-Unis n’était insurmontable » ( reconnaissance du génocide arménien par Biden, refus d’extrader Fethullah Gülen, achat par la Turquie de missiles antiaériens russes longue portée S-400, retrait de la Turquie du programme F-35, tensions gréco-turques en Méditerranée Orientale…) et ont confirmé le maintien de la Turquie au sein de l’OTAN.

Néanmoins, il apparaît que la Turquie d’Erdogan cherche à retrouver des marges de manœuvres vis-à-vis des Américains et à s’affirmer comme la nouvelle puissance dominante moyen-orientale, renouant avec la politique de la bascule ottomane, comme le confirme l’achat d’un deuxième lot de missiles antiaériens russes S-400([19]), mais également la construction commune d’avions de combat et de sous-marins avec la Russie, en marge de la venue d’Erdogan à Sotchi le 29 septembre 2021 ([20]). Cependant, les dernières propositions turques d’assurer la sécurisation de l’aéroport de Kaboul,  suite à la conquête de Kaboul par les Talibans le 15 août 2021 ([21]), soulignent une volonté de part et d’autre de maintenir des relations diplomatiques et stratégiques bénéfiques aux deux pays. Ainsi, les Américains s’appuient sur la Turquie et l’OTAN pour maintenir leur influence au Moyen-Orient, tandis que la Turquie y trouverait un moyen de garantir ses avancées diplomatiques, géostratégiques et économiques, voire de développer son influence dans la région, puisque Erdogan ambitionne depuis plusieurs années de reconstituer la puissance ottomane.

En Asie Centrale et plus particulièrement dans la zone Afghanistan-Pakistan, l’annonce de la conquête de Kaboul par les Talibans le 15 août 2021, parallèlement au retrait des troupes américaines, démontre le recul de l’influence de la puissance américaine et un revirement de la stratégie américaine au niveau mondial. En effet, le contrôle de l’Asie Centrale est vu, dans la pensée géostratégique anglo-saxonne([22]), comme l’axe du monde car, contrôler cette région revient à prendre à revers tous les grands empires mondiaux. De plus, au niveau régional, le retour des Talibans va créer trois bouleversements majeurs :

-il existe un risque réel de guerre civile en Afghanistan puisque plusieurs ethnies et minorités religieuses n’ont pas oublié les exactions des Talibans lors de la dernière guerre civile (1992-1996). Rappelons les massacres des Hazaras chiites et des Tadjiks qui ont formé le gros des effectifs de l’Alliance du Nord du commandant Ahmad Chah Massoud. Le fils d’Ahmad Chah Massoud, Ahmad Massoud, dirigeant du Front National de la Résistance affronte d’ailleurs les Talibans dans la vallée du Panshir depuis le 15 août dernier. Notons également que les Talibans affrontent militairement depuis 3 ans les effectifs de la wilayat al Khorassan de Daech qui s’est particulièrement renforcée depuis la chute de Raqqa et le repli de la plupart des combattants étrangers dans les régions afghanes occupées par Daech.

-La reconquête de l’Afghanistan par les Talibans va exacerber les tensions en Asie Centrale avec une recrudescence des actes terroristes dans toute la région. En effet, les Talibans ont soutenu durant ces vingt dernières années, des groupes terroristes islamistes locaux, comme le Mouvement Islamique d’Ouzbékistan (MIO). Deux pays risquent particulièrement d’être impactés par cette situation notamment :

+Le Tadjikistan, pays durablement marqué dans les années 90 par une rébellion islamiste et soutenu militairement par Moscou qui y possède sa seule base militaire permanente à l’étranger. Cette rébellion, affiliée au MIO, est présente dans toute la région frontalière avec l’Afghanistan, le Gorno-Badakhchan, où elle a reçu en 2015 le renfort du chef des unités spéciales tadjiks passé dans la rébellion ([23]).

+L’Ouzbékistan a été également particulièrement impacté par l’islamisme,  notamment dans la vallée de Ferghana qui reste un foyer de rébellion islamiste depuis l’insurrection d’Andijian en 2005, à l’origine du durcissement du régime ouzbek.

-De fait, la probable déstabilisation de la région va conduire les puissances régionales notamment la Russie et la Chine à intervenir, par le biais de l’OTSC et de la Structure antiterroriste régionale de l’Organisation de coopération de Shanghaï. D’ailleurs, la 201ème division de fusiliers motorisés russe a procédé à des manœuvres communes avec des unités tadjikes, afin de mobiliser en force en cas d’actions terroristes dans ce pays([24]).

Ainsi, les différents replis militaires américains, effectués sans avoir subi de défaite militaire majeure, pourraient s’expliquer par la volonté des Américains de maintenir leur influence au niveau mondial en usant de moyens indirects, notamment de factions contrôlées en sous- main et le maintien de conflits régionaux, comme le conflit afghan. Ils pourraient soit justifier et légitimer leur intervention, soit contraindre une puissance régionale, comme la Russie ou la Chine, à intervenir, escomptant qu’une de ces puissances déploie massivement ses forces armées, voire s’y enlise dans un conflit interminable, plutôt qu’intervenir de manière directe, car vu comme étant de plus en plus coûteux tant au niveau financier, humain que politique par les autorités américaines, de plus en plus conscientes du déclassement durable de la puissance américaine au niveau mondial.



[1]  PAKZAD Karim, « Le retrait d’Afghanistan : vingt ans de guerre pour rien ? » IRIS France, 12/07/2021, consulté le 03/10/2021, disponible sur :https://www.iris-france.org/159073-le-retrait-dafghanistan-vingt-ans-de-guerre-pour-rien/ 
 
[2] COUDURIER Pierre « La Chine avance vers le titre de première puissance économique », Marianne, 02/01/2021, consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://www.marianne.net/monde/asie/la-chine-avance-vers-le-titre-de-premiere-puissance-economique
 
[3]«La Russie doit suivre de près les navires de guerre américains en Mer Noire » Sputnik News,02/02/2021 consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://fr.sputniknews.com/20210202/la-russie-doit-suivre-de-pres-les-navires-de-guerre-americains-en-mer-noire-estime-un-ancien-amiral-1045165915.html
[4] ibid
 
[5] « Mer d'Azov: que dit le droit maritime? » Le Vif, 29/11/2018, consulté le03/10/2021, disponible sur: https://www.levif.be/actualite/international/mer-d-azov-que-dit-le-droit-maritime/article-normal-1060705.html?cookie_check=1630016279
 
[6] « Boris Johnson aurait directement autorisé le HMS Defender à violer les eaux territoriales russes », Sputnik News ,25/06/2021 consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://fr.sputniknews.com/20210625/boris-johnson aurait-directement-autorise-le-hms-defender-a-violer-les-eaux-territoriales-russes-1045786509.html
 
« U.S. Sixth Fleet announces Sea Breeze 2021 participation », America’s Navy, 21/06/2021, consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://www.navy.mil/Press-Office/News-Stories/Article/2664699/us-sixth-fleet-announces-sea-breeze-2021-participation/
 
 « La BBC dévoile des documents classifiés britanniques sur le passage du HMS Defender, près de la Crimée, SputnikNews,27/06/2021, consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://fr.sputniknews.com/20210627/la-bbc-devoile-des-documents-classifies-britanniques-sur-le-passage-du-hms-defender-pres-de-la-1045796160.html
 
[7] « Résolution 1244 de l’ONU sur l’autonomie du Kosovo », site de l’Organisation des Nations Unies, 10/06/1999, consulté le 03/10/2021 : https://undocs.org/fr/S/RES/1244(1999) 
[8] ibid
 
[9] « Ukraine : Violations du cessez-le-feu », RAIDS N°419, juin 2021, p.56
 

[10]«Ultranationalistes ukrainiens: des camps de concentration pour le Donbass », Sputnik News,18/06/2015, consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://fr.sputniknews.com/20150618/1016603333.html

 

[11] MOREAU Xavier, « Bulletin N°8. Moscou, Armée ukrainienne, GOULAG numérique, COVID en Suède » , Stratpol,14/01/2021, consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://youtu.be/Z9NF-KkVgJQ 
 
[12] « Moscou a «le droit d'organiser les mêmes exercices militaires que tout autre pays», selon Zakharova, RT France, 25/04/2021, consulté le 03/10/2021, disponible sur :https://francais.rt.com/international/86004-russie-a-droit-organiser-memes-exercices-que-tout-autre-pays « Russie: Ils arrivent», RAIDS N°419, juin 2021, p.53. 
 

[13] « Via leur loi sur les peuples autochtones, les autorités ukrainiennes veulent torpiller la Russie », », Sputnik News, 12/06/2021, consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://fr.sputniknews.com/20210612/via-leur-loi-sur-les-peuples-autochtones-les-autorites-ukrainiennes-veulent-torpiller-la-russie-1045721337.html

 

[14]« Projet de loi sur les peuples autochtones en Ukraine, une «violation totale des normes européennes», Sputnik News, 14/06/2021, consulté le 03/10/2021, disponible sur :https://fr.sputniknews.com/20210614/projet-loi-sur-les-peuples-autochtones-en-ukraine-une-violation-totale-des-normes-europeennes-1045729972.html

 

« La présidence ukrainienne envisage de reconnaître le russe comme langue régionale », Les Observateurs.ch, 02/07/2019, consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://lesobservateurs.ch/2019/07/02/la-presidence-ukrainienne-envisage-de-reconnaitre-le-russe-comme-langue-regionale/

 

[15] «Ukraine : l’aide américaine » , RAIDS n°417, avril 2021, p.39
 
[16] « Les cinq leçons du « fuck the EU ! » d'une diplomate américaine », Le Monde, 09 février 2014, consulté le 03/10/2021 : http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/02/09/les-cinq-lecons-du-fuck-the-eu-d-une-diplomate-americaine_4363017_3214.html 
 

[17] «Hunter Biden confirme avoir dépensé son argent en drogue et en alcool lorsqu’il travaillait en Ukraine », Sputnik News, 01/04/2021, consulté le 03/10/2021,disponible sur : https://fr.sputniknews.com/20210401/hunter-biden-confirme-avoir-depense-son-argent-en-drogue-et-en-alcool-lorsquil-travaillait-en-1045426098.html

 

MOREAU Xavier, «Bulletin N°17. Biden vs Poutine, 7 ans en Crimée, Industrie russe », Stratpol, 20/03/2021, consulté le 03/10/2021, disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=BGSj5k_wAkg

 

[18] Le général Qassem Soleimani, commandant de la force Al Qods, a été tué lors d’une attaque de drone le 3 janvier 2020.
 
[19]« La Turquie d’Erdogan, membre de l’Otan, veut fabriquer des armes avec la Russie, France Inter, 01/10/2021, consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-du-vendredi-01-octobre-2021 
 
[20] ibid 
 
[21] « La Turquie courtise Biden avec son offre de protéger l’aéroport de Kaboul », Le Journal de Montréal, 29/07/2021, consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://www.journaldemontreal.com/2021/07/29/la-turquie-courtise-biden-avec-son-offre-de-proteger-laeroport-de-kaboul 
 
[22] Cette vision a été forgé lors de la période du Grand Jeu (1894-1907) par plusieurs géographes et théoriciens comme Sir Harold MacKinder qui est à l’origine de la théorie de l’Heartland qui considère l’Asie Centrale de cette manière.
 

[23]« Le chef des forces spéciales tadjikes rejoint l’Etat islamique », Le Monde, 29/05/2015, consulté le 03/10/2021, disponible sur : https://www.lemonde.fr/international/article/2015/05/29/le-chef-des-forces-speciales-tadjikes-rejoint-l-ei_4643102_3210.html

 

[24] HUSSON Jean-Pierre, « Russie: des T-72 pour combattre le terrorisme», RAIDS n°422, septembre 2021, p.60

09/10/2021
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L’intervention russe dans le Haut-Karabakh : le retour inconditionnel de la Russie dans le Caucase, véritable victoire stratégique russe.

Soldats russes Haut Karabakh.JPG

 

Par

Jean-Baptiste HUBERT,

Spécialiste en intelligence économique et des questions de sécurité et de défense,

Membre du comité « Sécurité Intérieure » de l’Aqui-IHEDN ;

 

 

Suite au dernier article du 25 octobre 2020, comme nous le prédisions, le bloc turco-azéri se retrouve dans une impasse stratégique majeure comme le montre:

-les réactions internationales notamment, la reconnaissance française de la république du Haut Karabakh/ Artsakh,([1]);

- le déploiement dans la nuit du 10 novembre 2020, de plus de 2000 soldats russes issus de la "15ème brigade de fusiliers motorisés de la garde"([2]) , suite à la rupture du front arménien par les forces armées azéries au sud de l’Artsakh et à la reconquête de la ville de Choucha, deuxième ville de la république autonome du Haut-Karabakh([3]).

 Rappelons que la deuxième guerre du Haut-Karabakh a commencé dès le 27 septembre 2020, à l’initiative de l’Azerbaïdjan et du président Ilham Aliev, de plus en plus contesté au sein de son pays  confronté à la pandémie de  la Covid-19. Les confinements et les restrictions sur les transports ont eu pour conséquence la chute spectaculaire du prix du baril durant le printemps 2020, affectant ainsi les ressources financières du pays.

De plus, contrairement à la thèse d’une agression arménienne sur les villes d’Agdam, Donar, Gouchtchou et Vakhidli, mise en avant dans les médias occidentaux, les villes arméniennes de Movses et Aygepar ont été sévèrement touchées lors de l’ échange de tirs d’artillerie durant la semaine du 20 septembre 2020, dans le district frontalier de Tovuz. Cette situation a fait grimper les tensions d’un cran car, même si les échanges de tirs et les accrochages sont monnaie courante depuis 1994, l’intensité des bombardements , les dommages sur les villes arméniennes et azéries et le calibre des armes utilisées étaient on ne peut plus exceptionnels.

De plus, utilisant le prétexte de cette prétendue agression arménienne, les forces armées azéries, appuyées par des instructeurs et des drones armés Bayraktar TB2 ([4]) turcs, ainsi que des mercenaires syriens issus du Hayat Tahrir al Cham, ont développé leur offensive sur deux axes majeurs :

-          L’un sur la ligne Martakert-Madaghis-Terter qui a été contenu durant tout le conflit par les forces armées  arméniennes et karabatsies, du fait de l’exceptionnelle combativité du soldat arménien et des lignes de défenses et de bunkers renforcés sur cet axe, après la guerre des Quatre Jours ([5]) de 2016. C’est depuis ces positions que l’artillerie et les troupes arméniennes, appuyées par des officiers russes et des drones ELAN 1, ont vaillamment riposté et ont fait payer un lourd tribut aux troupes azéries mal préparées au combat en montagne, affaiblissant le dispositif militaire aux alentours des villes de Ganja, Agjabedi, Barda, Beylagan et Goranboy , contribuant à faire un demi-échec de l’opération militaire azérie;

 

-          L’autre sur la ligne Jabrayil-Fizuli, où la présence d’une longue plaine, le soutien constant des drones armés Bayraktar TB2 turcs et des drones-suicides israéliens Harop([6]) ont mis en échec des troupes arméniennes mal préparées à faire face à ce type d’engin et de tactiques, notamment la tactique de l’attaque en essaim afin de saturer les défenses antiaériennes. Ceci a abouti à la coupure des lignes de ravitaillement arméniennes, puisqu'une partie de ce dernier passait par la frontière irano-arménienne, et à la conquête des villages de Shikali Agali, Sarijali et Mazra ([7]).

 

 Carte des combats de l'Artsakh.JPG

 

Carte détaillé des opérations Haut Karabakh.JPG

 

 

 

Parallèlement à cette situation, les Russes ont, dans un premier temps, donné l’impression de ne pas s’impliquer dans le conflit et ont cherché à faire cesser le conflit par la voie diplomatique, la Russie étant le membre le plus influent du groupe de Minsk et le plus informé, car entretenant des relations avec les deux belligérants. Cette démarche a conduit à la mise en place de deux cessez-le-feu avant le 9 novembre 2020, mais les véritables raisons de la tardive intervention russe sont à chercher ailleurs. En effet, les deux guerres liées à la reconnaissance internationale de la République du Haut-Karabakh entretiennent, depuis 30 ans, l’instabilité politique sur le flanc sud de la Russie, toujours considéré comme le ventre mou de cette dernière. En laissant se développer le conflit tout en jouant les médiateurs, Moscou a su habilement jouer sur les revendications de chacune des parties, à savoir:

- la reconnaissance internationale de la République du Haut-Karabakh;

- la reconquête des territoires perdus en 1994 pour l’Azerbaïdjan, alors que le dernier sommet de Moscou de 2011 avait abouti à une énième situation de blocage.

 De plus, le relatif échec arménien a permis à Moscou de discréditer les dirigeants caucasiens pro-occidentaux comme Nikol Pachinian, arrivé au pouvoir suite à « la révolution douce » de 2018([8]), et soutenu par la National Endownment Democracy et des organisations proches de l’Open Society de Soros([9]). Celui-ci est seul responsable de la désorganisation des forces arméniennes, du fait de la démission de Youri Khatchatourov(ancien secrétaire général de l’OTSC/ODKB) et après des changements majeurs à la tête de l’armée (démission forcée du chef d’état-major des armées arméniennes Artak Davtian), de la police  (démission d’Armen Sargisian) et à la tête des services de sécurité avec la démission d’Eduard Martirosian. Ce dernier a été un temps remplacé par Argishti Kyaramyan, un tout jeune policier de 29 ans sans expérience, lui-même remplacé par le général Mikael Hambardzumyan, ce qui a désorganisé les services en charge du renseignement([10]). Depuis la signature du cessez-le feu, le 9 novembre 2020, Nikol Pachinian a été lâché par ses soutiens et a même fait l'objet de menaces de mort([11]).  Depuis, de violentes manifestations réclament avec force sa démission du poste de premier ministre. Elles ne sont pas sans rappeler le coup de force de 1993 contre Zviad Gamsakhoudia en Georgie, orchestré par le GRU([12]).

Ainsi, contrairement aux déclarations triomphalistes d’Ilham Aliev et au défilé militaire ronflant organisé à Bakou([13]), l’Azerbaïdjan ne peut dire qu’elle a remporté la victoire car, malgré le différentiel de moyens, les troupes azéries ont été tenues en échec, voire ont reculé, dans le Nord face à l’opiniâtreté et à la solidité des défenseurs de l’Artsakh([14]). Les troupes azéries se seraient même livrées à des crimes de guerre comme par exemple la décapitation d’un arménien de 82 ans par des soldats portant l’uniforme azéri([15]). Notons que les forces de la paix russes, appuyées par les appareils de la 102ème base aérienne du groupe de forces russes en Transcaucasie, et opérant sous l’égide de l’OTSC, quelques heures après la prise de Choucha, ont contribué à faire stopper l’offensive azérie par leur seule présence. En effet, la peur d'entraîner la Russie, partenaire militaire de l’Arménie, dans un conflit ouvert avec l’Azerbaïdjan par des dommages collatéraux, transformerait ce conflit local en une zone de guerre majeure. De ce fait, la présence russe contribue à figer la situation et à calmer les belligérants. Par ailleurs, l’Arménie ne peut dire qu’elle a été totalement défaite puisque, malgré des équipements militaires vieillissants, le bloc arménien a relativement bien tenu face à l’offensive azérie et surtout est sur la voie de la reconnaissance internationale de l’Artsakh.  Ce conflit est aussi l’occasion pour les troupes russes de mettre en application les enseignements tirés de l’intervention en Syrie à savoir:

- un contrôle de l’information et une stratégie de supériorité cybernétique avec l’emploi massif d’attaques informatiques et de diffusion d’informations favorables à l’intervention russe dans le cadre de la stratégie de guerre hybride.

- l’emploi du droit international humanitaire pour justifier le déploiement de forces d'intervention rapide agissant sous le principe de l'intervention par invitation ainsi que l’intégration des

- la préparation opérationnelle et le moral de la troupe

- l’occupation de zone comme l’as montré l’offensive « Aube d’Idleb 2 » où les forces russes ont sanctuarisé par leur présence à l’avant-garde des forces loyalistes syriennes, la reconquête des villes de Saraqeb et  Maarat al-Nouman car une seul perte russe aurait constitué un prétexte pour déclencher un conflit ouvert.

- L’omniprésence des drones, devenue depuis la bataille de Mossoul, une arme offensive de premier plan de par son pouvoir égalisateur comme l’ont montré l’action des drones Harop et Bayraktar TB2 sur les batteries Pantsir S-1 arméniennes,  dont le radar ne détectait pas les drones ([16]).

Cependant, le déploiement d’un contingent turc, fin décembre 2020, le long de la ligne de front et à proximité du corridor de Latchine est à l'origine de tensions majeures quant à la création d’un centre commun de contrôle et d’observation du cessez-le-feu. En effet, la Russie et l’Arménie se refusent à autoriser le déploiement de ce contingent turc, ce qui risque potentiellement de faire tourner le conflit régional en conflit majeur, au vu des puissances impliquées([17]).

 

[1] « L’Assemblée Nationale française vote pour la reconnaissance du Haut Karabakh, Sputnik News, 03/12/2020, mise en ligne le 03/12/2020, disponible sur : https://fr.sputniknews.com/politique-francaise/202012031044873864-lassemblee-nationale-francaise-vote-pour-la-reconnaissance-du-haut-karabakh/

 

[2] HUSSON Jean-Pierre, « Turquie : Erdogan annonce le déploiement d’un contingent turc au Haut-Karabakh », RAIDS, N°414 de janvier 2021, p.47.

 

[3] HUSSON Jean-Pierre, « Haut-Karabakh, conflit arménie-Azerbaïdjan », RAIDS N°413 de décembre 2020, p.38.

 

[4] «  Robotisation du champ de bataille, drones et intelligence artificielle », Stratpol, https://www.youtube.com/watch?v=j3yzyNmQKis&t=55s

[5]« Le Haut-Karabakh, guerre locale, enjeu global », Fondation pour la recherche stratégique, 13/05/2016, mise en ligne le 14/05/2020, disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=cN9GYUq_kIU 

 

[6] «  Robotisation du champ de bataille, drones et intelligence artificielle », Stratpol, https://www.youtube.com/watch?v=j3yzyNmQKis&t=55s

 

[7] HUSSON Jean-Pierre, « Haut-Karabakh, conflit arménie-Azerbaïdjan », RAIDS N°413 de décembre 2020, p.38.

 

[8] « Arménie : Pachinian dit avoir le soutien de tous les partis pour son élection au poste de premier ministre », Le Monde,‎ 2 mai 2018, disponible sur : https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/05/02/armenie-pachinian-dit-avoir-le-soutien-de-tous-les-partis-et-appelle-a-cesser-les-manifestations_5293508_3214.html

 

[9] Liste des ONG soutenues par La NED en Arménie en 2019, National Endownment for Democracy, disponible sur : https://www.ned.org/region/eurasia/armenia-2019/ 

 

[10] « Armenian PM Pashinian replaces top security Officials », Radio FreeEurope,mis en ligne le 08/06/2020 , disponible sur : https://www.rferl.org/a/armenian-pm-pashinian-replaces-top-security-officials/30659517.html

 

[11] «  La sécurité arménienne dit avoir déjoué une tentative d’assassinat du premier ministre Pachinian , Sputnik News, mis en ligne le 14/11/2020 , disponible sur : https://fr.sputniknews.com/international/202011141044770565-la-securite-armenienne-dit-avoir-dejoue-une-tentative-dassassinat-du-premier-ministre-pachinian/

 

[12] BONNER Raymond « Georgian fighter wields gun, money and charm », The New York Times, publié le 16/11/1993, disponible sur : https://www.nytimes.com/1993/11/16/world/georgian-fighter-wields-guns-money-and-charm.html

 

[13]  « Guerre du Haut Karabakh : un défilé de la victoire turque et azérie un peu trompeur, mis en ligne le 10/12/2020, disponible sur : https://fr.sputniknews.com/international/202012101044910756-guerre-du-haut-karabakh-un-defile-de-la-victoire-turque-et-azerie-un-peu-trompeur/

 

[14] « Arménie versus Azerbaïdjan », Strapol, mis en ligne le 15/10/2020, disponible sur :  https://www.youtube.com/watch?v=csILOuVzzrY&t=2s

 

[15]«  Un arménien de 82 ans a bien été décapité en vidéo par des soldats portant un uniforme azéri, Sputnik News, mis en ligne le 15/12/2021, disponible sur :  https://fr.sputniknews.com/international/202012151044934419-un-armenien-de-82-ans-a-bien-ete-decapite-en-video-par-des-soldats-portant-un-uniforme-azeri/

 [16] «  Robotisation du champ de bataille, drones et intelligence artificielle », Stratpol, mis en ligne le 11/01/2021, disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=j3yzyNmQKis&t=55s

 

CHASSILLIAN Marc, « Quelques leçons tirés par l’appareil militaire russe de l’intervention en Syrie (2ème partie) », RAIDS n°412, pp 58-64.

 

 [17]  «  Ankara envoie dès que possible ses soldats en Azerbaïdjan », Sputnik News, mis en ligne le 21/01/2021, disponible sur : https://fr.sputniknews.com/international/202011211044808362-ankara-envoie-des-que-possible-ses-soldats-en-azerbaidjan/

 

HUSSON Jean-Pierre, « Turquie : Erdogan annonce le déploiement d’un contingent turc au Haut-Karabakh », RAIDS, N°414 de janvier 2021, p.47.


21/01/2021
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Méditerranée orientale , Syrie, Libye et Haut-Karabakh : les aventures militaires turques et leur future impasse stratégique

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Par

Jean-Baptiste HUBERT, spécialiste d’intelligence économique et des questions de sécurité et de défense, membre du comité « Sécurité Intérieure » de l’Aqui-IHEDN ;

 

Depuis l’accession au pouvoir du parti de Recep Tayyip Erdogan, l’AKP( Adalet ve Kalkınma Partisi, parti de la justice et du développement) cherche à reconstituer la puissance et l’influence de l’ancien empire ottoman comme le démontre ces quelques faits :

- les déclarations nationalistes d’Erdogan du 6 décembre 1997 à Siirt l’ont montré  lors d’un meeting, n’hésitant pas à citer un poème sulfureux du poète nationaliste turc Zyiad Gökalp :

« Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants nos soldats » ([1]) qui le mèneront en prison pour 6 mois ;

- les interventions militaires dans son étranger proche, notamment avec des infiltrations des forces spéciales turques dans le Kurdistan irakien ([2]) et le recours à des armes chimiques ([3]) , à partir de 2007;

-la démultiplication des tensions avec la Grèce,   avec les différents incidents maritimes, notamment celui autour de l’îlot d’Imia qui, en 1996, a quasiment failli déclencher une guerre ouverte entre les deux pays ([4]), sans compter les accusations régulières turques de financement grec de factions extrémistes kurdes notamment  « les Faucons de la liberté du Kurdistan » de Bahoz Erdal, chef dissident du PKK, actuellement engagé aux côtés de l’armée nationale syrienne ([5]).

Mais c’est véritablement depuis la nomination d’Ahmet Davutoglu, au ministère des Affaires Étrangères, véritable artisan de la politique néo-ottomane, le 1er mai 2009, que la Turquie a multiplié les interventions militaires  et le déploiement de forces majeures avec notamment :

-  l’ouverture d’une base militaire turque au Qatar en 2018 ([6]) ;

- des facilités de mouillage à Djibouti, en 2017-2018([7]) ;

- la multiplication des déploiements de la marine turque en Méditerranée Orientale depuis la découverte du gisement de gaz Léviathan (280 milliards de m3), durant l’été 2011, au large de Chypre([8]) .

Ce déploiement n’est pas anodin. En effet, il a eu lieu le long des eaux territoriales libyennes tenues par le gouvernement d’union nationale (GUN) Al Sarraj, connu pour être soutenu par des milices islamistes et recevoir soutien logistique et militaire turc. De ce fait, la Turquie a envoyé sur place deux frégates de la Türk Deniz Kuvvetleri (la marine de guerre turque),  ainsi que des miliciens syriens convoyés sur place par la compagnie aérienne libyenne Afriqiyah Airways et la compagnie Al Ajniha([9]). Cette situation a contribué à exacerber les tensions avec la Grèce, la République de Chypre et Israël, pays parties prenantes au projet EastMed. Ce soutien militaire direct et particulièrement opportuniste a mis en échec les troupes de l’Armée nationale libyenne (ANL) du  maréchal Haftar, soutenues entre autre, par la Russie, la Chine et plus discrètement la France au cours de l’été 2020, à tel point que le parlement égyptien a fait voter une loi autorisant « l’envoi de troupes des forces armées égyptiennes dans des missions de combat en dehors des frontières de l’État pour défendre la sécurité nationale égyptienne  dans l’axe stratégique occidental » et pour voler au secours de son allié([10]).

Parallèlement, la Turquie s’est immiscée dans le conflit syrien depuis l’été 2015, avec son intervention, dans le nord de la Syrie  lors de la bataille de Jarablus et deux ans plus tard, dans les batailles d’Afrine et de Tell Rifaat, le 27 mars 2017([11]). Cette intervention et le soutien de la Turquie à des groupes terroristes turkmènes, issus de la minorité turkmène du Nord de la Syrie,  a conduit au ciblage d’un SU-25 russe par ces mêmes groupes turkmènes([12]). Ceci a servi de prétexte à l’intervention russe en Syrie, motivée par l’élimination des quelques 5000 djihadistes tchétchènes présents dans les rangs des divers groupes djihadistes. Ils ont fourni des cadres comme Tarkhan Batirashvili, alias Abou Omar al Shishani, qui deviendra le chef des opérations militaires de l’Etat Islamique([13]). Depuis la contre-offensive russo-syrienne, soutenue par le Hezbollah libanais, les troupes turques se sont enkystées dans la région d’Idleb, afin de maintenir un glacis territorial dans le nord de la Syrie et  de sécuriser le territoire national turc des multiples infiltrations et actions de plusieurs groupes kurdes notamment le YPG et le YPJ([14]). Ces objectifs, ainsi que le coup d’État de juillet 2016, sont à l’origine des opérations « Source de Paix » lancée entre le 2 et le 22 octobre 2019 et l’Opération «Bouclier du Printemps», lancée le 1er mars 2020 dans le cadre de la bataille d’Idleb, afin de contrer l’avancée des forces armées syriennes et de ses alliées ( Russie, Iran et diverses milices confessionnelles comme le Hezbollah). Ces forces ont reconquis la ville de Maarat al-Nouman. Or, cette offensive turque a subi un coup d’arrêt, suite à la contre-offensive des forces armées syriennes et du Hezbollah du 2 mars. Elles ont alors repris la ville de Saraqeb. Le 5 mars 2020, cette avancée a été sanctuarisée par le déploiement d’unités de la police militaire russe et la signature d’un accord de cessez-le-feu entre la Russie et la Turquie ([15]). Or, la Turquie n’hésite pas à soutenir des groupes terroristes djihadistes sur place, notamment le Hayat Tahrir al Cham formé principalement autour de l’ex Front al Nosra. Il est dirigé par Mohammed al Joulani, principal  représentant de la nébuleuse Al-Qaïda en Syrie. Elle recrute parmi les membres de ces groupes djihadistes, des mercenaires actuellement déployés en Libye et de plus en plus dans le Haut Karabakh.

La Turquie s’est impliquée dans ce conflit réactivé au cours de l’été 2020 qui dégénère depuis le 27 septembre 2020. De plus, la Turquie soutient résolument l’Azerbaïdjan en usant de slogans nationalistes comme : « Une Nation, deux États ». Il faut aussi compter avec le soutien militaire à l’Azerbaïdjan de la partd’Israël qui constitue son principal fournisseur d’armes de pointe (plus de 60% des armes vendues et produites en Azerbaïdjan ). Ce soutien s’explique par le soutien de l’Azerbaïdjan à la minorité azérie, très présente dans le Nord et l’Ouest de l’Iran, qui n’hésite pas à faire preuve de menées sécessionnistes et à réclamer plus de droits. Notons que le mouvement vert de 2009, qui a un temps inquiété les mollahs, a été mené par Mir Hossein Moussavi, issu de cette même minorité azérie. Outre les questions territoriales, ce conflit a également pour but, voire comme prétexte, de punir l’Arménie de supposés massacres antisémites commis par Garegin Nzhdheh durant la Seconde Guerre Mondiale, mais surtout à cause des actions de l’ASALA (Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie) dans les années 80([16]). Il faut aussi souligner le soutien de l’Iran à l’Arménie, puisque l’Arménie constitue l’un de ses plus profitables clients et également pour contrer les menées sécessionnistes de sa minorité azérie, faisant de ce conflit, un conflit à fronts renversés. Ces derniers jours, la Turquie n’as pas hésité à faire appel à des mercenaires syriens, issus de groupes djihadistes qui combattent aux côtés de l’armée azérie, faisant surgir le spectre de la menace djihadiste toujours latente. En effet, durant le conflit de 1988-1994, les Azéris avaient reçu l’aide du mouvement terroriste afghan Hezb-e-Islami Gulbuddin de Gulbuddin Hekmatyar et de la Brigade islamique internationale de maintien de la paix de Chamil Bassaïev.

Notons que l’emploi de ces mercenaires va sûrement aggraver le conflit du Haut Karabakh et également les tensions en Syrie, conduisant le bloc arménien à faire appel à des mouvements armés pro-arméniens ou de confession chrétienne syriaque (avec qui l’Église apostolique arménienne a de très bonnes relations). Citons, pour exemple, le bataillon Nubar Ozanyan qui défend les arméniens de Syrie ou encore le conseil militaire syriaque et les gardes de Kharbour, combattant tous les deux les djihadistes et les troupes turques en Syrie. Ces trois mouvements sont membres des forces démocratiques syriennes (FDS).

De plus, l’ouverture d’un troisième front est en train d’irrémédiablement conduire la Turquie : -à être perçue par ses alliés de l’OTAN comme une menace régionale majeure. Pour preuve,  la vente de 18 avions Rafale français à la Grèce avec le déploiement en cours du groupe aéronaval français et du porte-avions Charles-de-Gaulle ;

- à accroître la dispersion des moyens des forces armées turques et à contribuer à désorganiser une armée dont la qualité de l’entraînement et des matériels est plus que variable et dont la fidélité peut être mise en doute.

Ainsi, malgré les nombreuses purges qu’Erdogan a pratiqué depuis 2008, en usant de l’implication des militaires turcs dans l’affaire Ergenekon ([17]), et plus particulièrement depuis le coup d’État avorté de juillet 2016, les militaires turcs , exception faite de ceux proches du Parti d’action nationaliste ([18]), restent attachés aux idéaux kémalistes et continuent de se voir comme le pilier de la démocratie en Turquie. Ils  sont pour la plupart opposés à l’AKP. Cela risque d’être à l’origine d’une crise politique majeure en Turquie et d’une impasse stratégique totale. En effet, si Erdogan poursuit son aventurisme militaire au nom du néo-ottomanisme et surtout au profit de l’islamisme radical, le système Erdogan risque de connaître le même destin que son allié égyptien, la société des Frères Musulmans qui est régulièrement tenue en échec depuis la prise du pouvoir du conseil de coordination des forces armées du maréchal Fatah al-Sissi en Égypte et dont le guide spirituel a été récemment arrêté par les forces armées égyptiennes.



[1] Vers du poète nationaliste turc Ziya Gökalp.

[2] Pascal LE PAUTREMAT, « Irak : l’intervention turque devenue réalité », RAIDS n°260, janvier 2008, p.6.

[3] Pascal LE PAUTREMAT, Turquie : recours aux armes chimiques contre le PKK », RAIDS n°295, décembre 2010, p.12.

[4] Alexia KEFALAS , « Tensions en Méditerranée: «Il faut sanctionner les provocations d’Ankara», Le Figaro,3 août 2020.

[5]  Pascal LE PAUTREMAT, « Syrie : Les Kurdes a cœur du conflit », RAIDS n°323, avril 2013, p.14.

[6]

[7] Jean-Pierre HUSSON, « Djibouti : Facilités accordées à la flotte turque », RAIDS n°383, juin 2018, p.50.

[8] Pascal LE PAUTREMAT, « Chypre-Turquie : Tensions autour des gisements de gaz », RAIDS n°306, novembre 2011, p.15.

Pascal Le PAUTREMAT, «  Mediterranée : un nouveau rapport de force stratégique et énergétique », RAIDS n°337,juin 2014, p.12.

Jean-Pierre HUSSON, « Turquie : Incidents en Méditerranée orientale », RAIDS n° 381, avril 2018, p.26.

[9] Alain RODIER, « Turquie : le gazoduc de la discorde », RAIDS N°404, mars 2020, p .46.

[10] Jean-Pierre HUSSON, « Égypte : vers un déploiement des forces égyptiennes en libye », RAIDS n°410, septembre 2020, p.44.

[11] Jean-Pierre HUSSON, Alain RODIER, « Syrie : les dessous de la prise de Tell Rifaat », RAIDS n°382, mai 2018, p.56.

[12] Jean-Pierre HUSSON, « Turquie : la carte turkmène », RAIDS n°356, janvier 2016, p.23.

[13] Jean-Pierre HUSSON, « Irak : confirmation de la mort d’Omar al Shishani », RAIDS n°362, septembre 2016.

[14] Jean-Pierre HUSSON, « Turquie : renforcement de la guérilla kurde », RAIDS n°360, mai 2016, p.22

[15] Hakim Saleck, « Cessez-le –feu à Idlib : une paix durable ? », Sputnik News, 06/03/2020, consulté le 05/03/2020,disponible sur : https://fr.sputniknews.com/international/202003061043204990-cessez-le-feu-a-idlib--une-paix-durable/.

 

[16] Ce groupe nationaliste arménien a été très proche des mouvements radicaux palestiniens comme le Fatah-CR d’Abou Nidal ou encore du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) de Georges Habbache, avec plusieurs attentats commis au profit de l’OLP entre juillet et août 1982 et a même servi les intérêts iraniens. En France, il se fait connaître lors des attentats de septembre 1981 contre le consulat de Turquie et celui d’Orly de 15 juillet 1983. Notons que l’un des meneurs du premier attentat, Dimitri Georgiou(de son nom Monte Melkonian), numéro 2 de l’ASALA, deviendra l’un des plus prestigieux chefs militaires de l’Artsakh, participera à la contre-offensive russo-arménienne de 1992-1993 et sera fait héros national de l’Arménie. (Source : l'Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie, Rendez vous avec Monsieur X, France Inter, 15/06/2002).

 

[17] Célèbre organisation criminelle turque, composée de militants de l'extrême droite, ainsi que de la gauche républicaine, d'officiers de l'armée et de la gendarmerie, de magistrats, de mafieux, d'universitaires et de journalistes qui viserait à renverser l’AKP.

 

[18] MHP(Milliyetçi Hareket Partisi), parti d’extrême droite, anticommuniste, islamiste, panturc à tendance fasciste, fondé en 1958 comme branche politique des Loups Gris par le colonel Alparslan Türkeş. Il prit son essor lors des opérations antiterroristes contre le PKK durant les années 70 et se rendra responsable de la mort de plusieurs miliers de  militants de gauche, intellectuels et journalistes, syndicalistes, militants kurdes et alévies. On soupçonne ce mouvement d'avoir été discrètement soutenu par la junte militaire de Kenan Evren, afin de lutter contre le communisme en Turquie.



 


25/10/2020
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